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Ces rappeurs qui avant le rap ont vraiment été dealers [DOSSIER]

Usée jusqu’à la corde, l’analogie entre crack game et rap game n’en a pas moins longtemps constitué le mètre étalon de trois décennies de rap, tant l’idée de brasser l’argent de la rue a fait fantasmer public et artistes.

Si l’exercice a produit un nombre incalculable de standards (Dope Man des NWA, Hustlin de Rick Ross, Peruvian Cocaine des Immortal Technique, Bricks de Gucci Mane…), il n’en demeure pas moins que 90% des rimes sur le sujet sont le fruit de l’imagination des emcees.

Certains ont en revanche vraiment vécu cette vie-là. Enfants pour la plupart de l’épidémie de crack qui a sévi dans les années 80, ils font partie des (très) rares dope boys a n’avoir pas (très) mal fini avant même d’avoir atteint la majorité.

Loin de la jeune génération qui préfère aujourd’hui se faire prescrire des drogues médicinales aux effets léthargiques, retour sur les biographies des OG de la poudreuse.

Jay-Z

Peut-être le parcours le plus storytellé du rap.

Peu de temps après que son camé de père ait quitté le domicile familial, Ronald Reagan aidant, Shawn Corey Carter se lance dans le grand bain de la rue à 12 ans à peine.

Désormais homme de la maison, il se balade armé et n’hésite pas la même année à loger une balle dans le corps de son frère Eric (lui aussi accroc à la pipe) lorsqu’il le surprend en train de lui voler ses bagouzes.

Au début des années 90, non content d’avoir réussi à échapper aux sirènes de la loi, il peut se targuer d’être devenu l’un de plus gros dealeurs du Marcy Projects, écoulant selon Zack Greenberg (auteur de la biographie Empire State of Mind) un kilogramme de cocaïne par semaine.

Plutôt que de se laisser griser par cet « argent facile », le futur convive de la Maison Blanche qui déjà pensait plus loin que le bout de son nez entreprend alors de changer son fusil d’épaule.

Bien lui en a pris si l’on en juge par le tournant qu’ont pris les choses, et ce d’autant plus que l’un de ses associés de l’époque, Emory Jones, finira par se voir condamné en 2000 à seize ans de prison après avoir plaidé coupable pour trafic.

Outre les différents hommages que lui rendra le rappeur au fil de sa carrière (dont Do U Wanna Ride?), dix ans plus tard il écrira une lettre au juge pour plaider en faveur de sa libération anticipée avec à la clef une embauche au sein de son Roc Apparel Group.

Si en tant qu’enfant d’un foyer brisé par la drogue, Jay Z n’a jamais vraiment renié sa responsabilité quant à ses actes passés, il a également toujours admis que ses jeunes années d’hustleur ont fortement contribué à faire de lui le business man qu’il est.

Interrogé par Vanity Fair en 2013 sur sa réussite en affaires, il déclarait ainsi : « I know about budgets. I was a drug dealer. »

Et de poursuivre : « Il faut savoir combien il est possible de dépenser, quels sont les stocks, combien il faut investir pour lancer un salon de coiffure ou une station de lavage. Il faut aussi évaluer ses options de plan B, avoir une stratégie, car la lucarne pour s’en sortir est très étroite – ce n’est qu’une question de temps avant de se faire choper ou de mourir. »

50 Cent

Si Jay Z est le Michael Jordan du crack jeu, Curtis Jackson est à n’en point douter le Kobe Bryant.

Fils d’une mère assassinée probablement suite à un deal foiré, il s’en va à l’âge de huit ans vivre chez ses grands-parents. Quatre ans plus tard, l’appât du gain pousse celui que l’on surnomme alors Boo Boo à vendre ses premiers sachets.

« J’étais dans une situation où je ne disposais que de peu d’options. Étant trop jeune pour travailler, à douze ans je me suis donc mis à dealer. »

C’est à cette même époque qu’il découvre les joies de la boxe anglaise (il ira jusqu’à participer aux prestigieux Golden Gloves), ce qui dans son domaine d’activité ne va pas sans l’aider : outre sa réputation grandissante de casseur de bouches dans les rues de South Jamaica Queens, il se tient à l’écart de toute drogue et alcool (ce qui ne l’empêchera pas d’enregistrer en 2003 High All The Time)

Propriétaire d’une Mercedes-Benz dès sa majorité, l’auteur de Ghetto Qu’ran va cependant très vite déchanter quand, après s’être fait arrêter à plusieurs reprises, il se fait coffrer en 1994 pour avoir vendu à un flic en civil. Jackson évite alors les trois et neuf ans en cellule que lui promet la justice en acceptant de passer sept mois dans un centre de réinsertion.

Cet avertissement couplé à la naissance de son fils Marcus vont ainsi le pousser, non pas à renoncer à devenir riche quitte à en mourir, mais à se lancer dans le rap.

Le désormais Demi Dollar ne va néanmoins pas couper immédiatement les ponts avec la vie de rue sitôt signé en maison de disques. Bien que bénéficiaire d’une avance de 65 000 billets verts pour son premier album jamais sorti Power of the Dollar, une fois tous les intermédiaires payés, il ne se retrouve qu’avec 5 000 petits dollars en poche pour vivre, ce qui l’oblige à retourner un temps vendre des cailloux blancs.

Eazy-E

Après avoir quitté les bancs de l’école sitôt les années lycées terminées pour subvenir à ses besoins, Eric Wright décide de suivre les bons conseils de son cousin en s’adonnant à plein temps au trafic de stupéfiants.

Néanmoins, quand ce dernier décède par balles, Eazy-E reconsidère illico son choix de carrière en allant surfer sur cette vague nouvelle que l’on appelle le hip hop – et tant pis si en 1986 le rap commence tout juste à montrer son potentiel commercial et que la scène californienne est inexistante ou presque.

Fondateur du label Ruthless Records, il puise alors dans ses économies pour débourser les 7 000 dollars nécessaires à l’enregistrement du single Boyz N the Hood et presser 5 000 vinyles.

Contrairement à une légende qui à la vie dure, il n’a donc pas sorti du haut de ses 22 ans 250 000 dollars de sa poche (ce qui aurait tout de même correspondu un bon demi-million d’euros actuels), cette somme ayant été apportée par son partenaire Jerry Heller.

Ce même Heller qui, dans sa biographie Ruthless: A Memoir publiée en 2006, a donné un nouvel éclairage à cette success story en révélant qu’Eazy n’a selon lui jamais frayé de près ou de loin avec les drogues dures, même s’il concède l’avoir vu dealer de l’herbe à différents occasions.

« Le hood dans lequel il a grandi était un endroit dangereux. Eazy était un petit gars (1,59 mètres ndlr). Dans la rue, avoir une réputation de ‘thug’ ou de ‘dealeur’ vous faisait passer pour plus dur que vous ne l’étiez. Cela agit comme une sorte de bouclier en ce sens où les gens hésitent à venir vous chercher des noises. »

Et de conclure : « Personne ne survit dans la rue sans un masque. »

Toujours est-il que dans le quintet NWA, à un MC Ren près, il est celui sur lequel les autres vont venir se brancher pour écrire leurs lyrics les plus street.

 T.I.

Inspiré par plusieurs de ses oncles qui faisaient vivre leur famille grâce à l’illégal, Clifford Joseph Harris Jr. décide de son propre chef à l’adolescence de suivre leurs pas afin de gagner en indépendance financière et d’être en mesure d’aider sa mère qui l’élève seule depuis que son père a contracté la maladie d’Alzheimer.

Si très vite il se montre doué en affaires jusqu’à se faire appeler le Rubber Band Man (rapport à l’élastique qui enroule une liasse de billets), pas question pour autant d’en faire part à sa maternelle à qui il raconte qu’il gagne cet argent nouveau en vendant des bonbons – bonbons qu’il achète par paquets et stocke dans sa chambre histoire de rendre son mensonge plus crédible.

La combine fonctionnera jusqu’à ce jour où elle trouvera une dose de crack dans l’une de ses chaussettes…

À 17 ans T.I. se fait ensuite pincer par la popo. Condamné pour production et distribution, il passe alors sept mois en prison. Il réalise là qu’aucun dealeur n’a jamais pris sa retraite, et que cet apparent raccourci est en réalité une impasse – « Mieux vaut travailler dans un fastfood. »

Cette expérience ne l’a pas pour autant transformé en farouche partisan de l’incarcération de masse. Au contraire, lui qui dans son Atlanta natal a vu bon nombre de ses proches et membres de son voisinage en prendre pour dix à vingt ans a levé la voix en 2016 pour dénoncer cette politique ciblée qui aboutit à complétement déstructurer des pans entiers de sa communauté.

Raekwon

Au sein de la galaxie Wu-Tang, rares sont les Killa Bees qui n’affichent pas sur leur CV une solide expérience en matière de narcotiques ainsi que les anecdotes qui vont avec (de Method Man qui la première fois où il a rejoint RZA en studio a réchappé à une tentative de meurtre, à Ghostface qui s’est pris une balle dans le cou lors d’une transaction).

La médaille d’or revient cependant ici à Raewkon. Fasciné depuis toujours par Tony Montana, bien avant le rap il écope du surnom The Chief pour son talent de « cuisinier », et notamment pour sa recette toute personnelle qui consiste à couper la coke avec de l’eau et du bicarbonate de sodium.

Cette réputation sulfureuse lui collera à la peau de longues années, non seulement parce que la majeure partie de sa discographie tourne autour de cette thématique (à commencer par son chef d’œuvre Only Built 4 Cuban Linx), mais aussi parce que la police reviendra régulièrement se rappeler à son bon souvenir.

En 2015 il a ainsi été révélé que le FBI l’a soupçonné d’avoir commandité à la fin des années 90 plusieurs assassinats de rivaux dans son quartier Park Hill, tandis qu’à cette même époque le Clan dans son ensemble était l’objet de diverses enquêtes menées conjointement par le bureau fédéral et le NYPD afin de les inculper pour infraction à la loi RICO (Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act, une loi fédérale américaine érigée pour lutter contre le crime organisé).

L’une de ces enquêtes a ainsi tenté de démontrer que le réseau de labels du groupe servait principalement à blanchir de l’argent sale.

Jeezy

Autre emcee à avoir largement bâti sa renommée en contant ses exploits aux Jeux olympiques d’hiver, Jizzle a débuté dans le game à 11 ans quand suite à une engueulade des plus corsée avec sa mère qui le traite de « pussy » (?!), il part vivre chez ses grands-parents.

Histoire d’éviter les soupçons (et les flics en civil), il deale au petit matin sur le chemin du lycée et sert les membres de sa famille addicts. Hasard de la vie, il n’en reste pas moins totalement coi ce jour où il tombe nez à nez avec sa génitrice dans une crackhouse.

« Ce fut une claque. Tu crois que ce biz t’offre une chance de t’en sortir, alors qu’en vrai il t’arrache ce que tu as de plus cher. »

Pas du genre à aller bosser de 9 à 5 pour autant, Jeezy ne changera définitivement de filière que lorsque sortent ses premiers projets.

Pur produit de son environnement, lorsqu’il touche son premier chèque à l’occasion d’un concert, il se gratte longuement la tête : habitué depuis toujours à brasser du cash dans des sacs en papier, il ne sait absolument pas comment l’encaisser.

Autre particularité de son parcours : le Snowman a bénéficié à ses débuts de tout le soutien de la Black Mafia Family, alias « le plus grand empire criminel de l’histoire des États-Unis ». Propriétaire d’un label, l’organisation promeut autant qu’elle peut Jeezy en faisant tourner ses sons dans les strip clubs d’Atlanta et en lui prêtant caisses et joailleries pour ses clips.

Cette proximité avec la B.M.F. et son leader Big Meech lui vaudra d’ailleurs de manquer de peu de se faire inculper en 2008 quand il est dénoncé pour avoir reçu plusieurs kilos de white girl quelques années auparavant.

La quarantaine approchant, Jay Jenkins a ensuite tenté d’accomplir un virage à 180° question discours, quitte à flirter avec l’étiquette rappeur conscient (soutien enthousiaste à Barack Obama, album Church in These Streets de 2015 prêchant « la bonne parole », activisme au sein du mouvement Black Lives Matter…), et tant pis si au passage ses ventes de disques se sont effondrées.

Notorious B.I.G.

Suivant les versions, celle de sa mère ou la sienne, jusqu’à ses 17 ans Christopher Wallace aurait été : face A, un élève des plus studieux qui travaillait à l’épicerie du coin pour se faire de l’argent de poche ; face B, un hustleur en culottes courtes qui à l’âge de 12 ans servait ses premiers clients sur Fulton Street.

[Voletta W. déclarera ainsi au début des années 2000 avoir appris ce que son fils faisait dans la rue en regardant ses clips et en lisant des magazines.]

Toujours est-il qu’à 17 ans, les plus très small Biggie quitte l’école pour de bon, avant de se faire arrêter pour trafic de crack et passer neuf mois au frais dans un établissement pénitencier de Caroline du Nord.

Si à sa sortie il se lance dans la musique et s’acoquine avec Puff Daddy, la rap money ne lui permet cependant pas de subvenir aux besoins de sa petite fille née entretemps. Résultat, il retourne dealer. Il faudra alors toute la force persuasion de son meilleur pote pour qu’il renonce à ce gagne-pain et s’attèle à plein temps à l’enregistrement de Ready To Die.

C’est cette expérience qui vaudra à l’autoproclamé Frank White de s’introniser Moïse de la dope sur l’archi classique Ten Crack Commandments, un morceau qui, comme son titre l’indique divulgue de précieux conseils en matière de bicrave (ne pas étaler son oseille à la face du monde, ne pas vendre en bas de chez soi, ne pas être accroc à sa propre camelote, ne jamais accorder de crédit, etc.).

Snoop

Snoop ou le premier rappeur mainstream à avoir réellement médiatisé son passé de dealeur – ou son soi-disant passé de dealeur comme de nombreuses voix l’ont souligné à l’époque.

Encore à l’école, le Grand Iench’ arrondit ses fins de mois en vendant journaux et bonbons à la sortie des cours, avant de se faire embaucher par McDonald’s. Insatisfait des 100 dollars qu’il se fait par semaine, il se met à refourgue herbe et crack en quantité (coucou Cameron Diaz) et voit ses revenus grimper à hauteur de 1 000 dollars hebdomadaires.

Observant le tournant que prend son fils, sa mère le vire alors du domicile familial. Snoop vit alors quelque temps dans sa voiture (malgré ses 4 000 dollos mensuels donc…), puis se fait arrêter pour possession de drogue avec intention de revente.

Dans une interview donnée à Playboy peu après la sortie de Doggystyle, le Crips avouait ne pas comprendre cette condamnation : « Cela n’avait aucun sens. Ce n’était pas moi qui fabriquais la drogue, ce n’était pas moi qui l’introduisais dans la communauté. Si j’étais tombé pour ne pas avoir payé d’impôts, j’aurais à la limite mieux compris. Là pour moi je n’avais rien fait de mal. »

« La drogue est si facile à trouver dans le ghetto. Ce n’est peut-être pas le cas dans les quartiers huppés, mais à Long Beach, Compton ou South Central c’est une autre histoire. La drogue n’arrive pas à Beverly Hills, elle arrive dans le ghetto. Et après ils viennent nous dire que c’est mal de la vendre ? Ce n’est pas nous qui l’amenons, on se contente de la vendre. Pour moi dealer c’était un boulot comme un autre, simplement c’était bien mieux payé. »

Les Clipse

Rois du coke rap et de la dirty money, les frangins Thornton peuvent se « vanter » d’une crédibilité sans faille sur le sujet.

Une crédibilité telle que lorsque Push-a-Ton rappe sur Keys Open Doors qu’il n’a pas dépensé un seul « rap dollar » depuis trois ans ou sur Hold On qu’il a dans sa vie « vendu plus de dope que de disques », pas dit que cela relève de l’egotrip pur.

Issus d’une famille de grossistes dont les membres voyaient d’un très mauvais œil leurs lyrics (non pas pour des questions morales, mais parce qu’ils braquaient sur eux les projecteurs des Feds), Pusha T et Malice ont longtemps maintenu leurs connexions avec le milieu.

Ne serait-ce qu’entre leur premier album Lord Willin’ sorti en 2002 et 2009, les auteurs de l’hymne Grindin (« Do-dum. Do-dum, dum dum dum. Do-dum. Do-dum, dum dum dum ») ont vu pas moins de neuf de leurs proches prendre entre 10 et 34 ans de placard, quand ce n’est pas leur manager Anthony ‘Geez’ Gonzalez qui en 2010 a écopé d’une peine de 32 ans pour avoir distribué une demi tonne de cocaïne dans leur Virginie natale.

C’est d’ailleurs l’acharnement du FBI qui a mis fin au duo : « Ils s’en prenaient à tous nos amis. Un de mes potes venait d’avoir un enfant, il s’est fait arrêter aux côtés de sa femme qui était en chaise roulante et tenait leur bébé dans ses bras. Un autre pote s’est fait arrêter avec sa femme et sa fille alors qu’il conduisait. La police a carrément défoncé sa voiture pour qu’il se range sur le côté. Ils s’en prenaient à tout le monde… Ils défonçaient les portes, allongeaient les mères et les enfants sur le sol. C’était fou. » dixit Malice.

« Le jour où Pusha était en retard pour prendre un vol, j’ai cru qu’il s’était fait lui aussi coffrer. Lorsque je l’ai vu arriver à la dernière minute dans l’avion, je me suis levé dans le couloir et je lui ai dit devant tout le monde : ‘Yo, c’est fini pour moi.’ »

BOOSKA

A propos Aboubacar

Journaliste et animateur radio. Directeur de Publication de ©Afroguinée Magazine, premier portail culturel et événementiel de Guinée-Conakry.

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