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Doudou Ndiaye Rose, le maître-tambour du Sénégal

Décès de l’artiste à Dakar à l’âge de 85 ans. Maître de la percussion, Doudou Ndiaye Rose était autant musicien que poète. Ce technicien inégalable au savoir encyclopédique avait cette faculté étonnante de pouvoir transcrire en rythmes tout ce qu’il voyait, entendait, ressentait. Sa connaissance était telle qu’il n’avait eu aucune difficulté à faire valider auprès des anciens son titre de « Grand tambour-major du Sénégal ».

Co-compositeur de l’hymne national de son pays, dont les paroles furent écrites par Léopold Sédar Senghor, il possédait également un réel sens du spectacle qui avait contribué à faire de lui le plus illustre ambassadeur du tam-tam, instrument emblématique de la musique africaine. Invité à descendre les Champs-Élysées avec son orchestre lors du défilé du bicentenaire de la Révolution française mis en scène par Jean-Paul Goude en 1989, il a conduit ses formations de 30, 50 ou 100 percussionnistes sur les scènes du monde entier. Ses prestations époustouflantes et son talent ont séduit les stars du jazz, du rock, de la chanson française.

S’il a souvent été sollicité pour collaborer avec nombre d’entre elles, sa discographie personnelle est étrangement sans rapport avec sa notoriété : en un demi-siècle, il n’a enregistré qu’une maigre poignée d’albums dont la plupart sont le fruit de rencontres inattendues entre le martèlement des tambours et les sonorités d’un bagad breton, d’un ensemble classique…

Récompensé en 2003 par le président sénégalais Abdoulaye Wade qui l’avait élevé au rang de chevalier de l’Ordre national du Lion, le musicien septuagénaire avait été à nouveau honoré deux ans plus tard par ses compatriotes : à l’occasion de la très officielle manifestation du Gala de la Reconnaissance qui lui était consacrée, les plus grands chanteurs sénégalais étaient venus témoigner leur respect à cet homme si fortement attaché à faire le lien entre passé et présent.

 

Doudou Ndiaye Rose, décembre 2010.

Le langage des percussions

Né en 1930 à Dakar, Doudou Ndiaye Rose ressent à neuf ans le besoin irrésistible de jouer des percussions. Auprès d’El Hadj Mada Seck, le professeur qu’il s’est choisi, et malgré les vives réticences de sa famille, il découvre la signification des rythmes, étudie tour à tour les différentes percussions : sabar, gorong, lamb…. Les dispositions qu’il montre l’amènent rapidement à jouer dans toutes sortes de cérémonies, puis à assurer les engagements que son instructeur ne peut parfois tenir. Lorsque le maître réalise que son élève âgé de 25 ans l’a dépassé, il l’encourage à monter son propre groupe et à voyager à travers le pays pour parfaire ses connaissances. Suivant ce conseil, le jeune homme se rend dans chaque région. Il y apprend « sérieusement le langage de la percussion », véritable mode de communication qui servait autrefois à annoncer avec précision n’importe quel événement.

Remarqué par la chanteuse Joséphine Baker lors de sa venue en 1959, il participe l’année suivante aux fêtes de l’Indépendance : à la demande de Senghor, la fanfare est remplacée par une troupe de tambourinaires et les majorettes sont africanisées.

Entré aux Ballets du Sénégal, à l’Institut national des Arts de Dakar où il enseigne, le percussionniste a conscience qu’il lui incombe de transmettre ce qu’il a acquis. C’est à cette fin qu’il publie en 1976 avec Juline Jouga et Bakary Diatta le 33 tours Chœurs et rythmes du Sénégal et qu’il décide de former ses enfants – dont le nombre avoisine la quarantaine ! – pour l’accompagner. Il ose même l’impensable quand, au lendemain de la Quinzaine nationale de la Femme du Sénégal de 1980, il crée les Rosettes avec ses filles et d’autres femmes du quartier. Jusqu’alors, les tambours étaient exclusivement réservés aux hommes.

Carrière internationale

Son passage au festival de jazz de Nancy en 1986 amorce sa carrière internationale, mais c’est Djabote, commercialisé en 1992, qui assied sa renommée. Enregistré en une semaine sur l’île de Gorée avec 50 batteurs et 80 choristes, l’album est produit par Eric Serra. Lors d’une tournée en Afrique huit ans plus tôt, le bassiste et compositeur de musiques de films avait eu un choc en assistant au concert de Doudou Ndiaye Rose. « J’ai eu l’impression en quelques minutes de recevoir un enseignement de plusieurs années », confie le Français.

Les symphonies rythmiques du chef d’orchestre sénégalais sont de plus en plus prisées. Dans les festivals, en première partie des concerts de Miles Davis, des Rolling Stones, ou dans le cadre plus singulier du Parc des Princes, en ouverture d’un match de foot. On les entend sur l’album Illicite deJacques Higelin, Version Jane de Jane Birkin, Karmen de David Murray. Pour le projet Bagad Men Ha Tan & Doudou Ndiaye Rose, Bretons et Africains se sont produits ensemble pendant deux ans, sans oublier de graver leurs travaux en studio : cornemuses, bombardes et biniou d’un côté, lamb, nder et mbeung mbeung de l’autre.

Tous les territoires méritent d’être explorés. En 2003, une nouvelle rencontre inédite est organisée, qui aboutit à Mix : douze joueurs de sabar tentent une conversation tripartite avec l’Orchestre de Basse-Normandie et les Percussions et Claviers de Lyon. Les frontières sont abolies, vive la libre circulation des rythmes et des sonorités !

Dépositaire d’une partie de l’histoire et des coutumes ancestrales de son pays, Doudou Ndiaye Rose reste l’un des artistes africains qui a su trouver les moyens efficients de transmettre et diffuser ces traditions tout en cherchant à les rapprocher d’autres univers musicaux.

A lire aussi sur www.rfi.fr :
Le célèbre percussionniste Doudou Ndiaye Rose est mort

A propos Aboubacar

Journaliste et animateur radio. Directeur de Publication de ©Afroguinée Magazine, premier portail culturel et événementiel de Guinée-Conakry.

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