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INTERVIEW d’Ibrahim Sorel KEITA, président de BDM TV

‘’ Il y a 20 ans, les problèmes d’immigrations et de vivre ensemble n’étaient pas aussi cruciaux et exacerbés en France… ‘’

Ibrahim Sorel Keïta est le président de Banlieues du Monde et de la Coordination des Associations Guinéennes de France. Il est également le fondateur de BDM TV (Banlieue Diversité Médias), et actuel vice-président de SOS Racisme.  Très impliqué dans la société civile française, il symbolise et partage  avec dynamisme cette exceptionnelle richesse de la France multicolore. Dans cet entretien, il nous parle de son engagement dans le social, de BDM TV, de l’Afrique et de l’épineuse question de l’immigration en France. INTERVIEW.

Afroguinée Magazine : Bonjour Sorel!  Présentez-vous  de façon brève  à nos lecteurs  qui ne vous connaissent pas ? Parlez-nous un peu de vous ?

Ibrahima Sorel KEITA : Bon écoutez !  je suis français d’origine guinéenne, prof à l’université d’Evry plus précisément  à l’institut de recherche, de formation et d’action sociale de l’Essonne qui est  lié à l’université d’Evry et de Villetaneuse. Je suis aussi le président de  BDM TV,  la chaine de télé qui est depuis  4 ans sur le canal 21 de la TNT et qui a pour objet de promouvoir la diversité et de promouvoir aussi les talents des quartiers, les talents issus de la diversité. Et puis,  je suis  depuis quelques temps, vice- président de SOS Racisme. Voilà ! Je vais arrêter là… Sinon, on y passerait toute la journée. (Sourire)

Alors,  entant qu’immigré en France, est-il  aujourd’hui aisé de vivre et de travailler hors de son pays d’origine ?

ISK : Bon, ça dépend ! C’est-à-dire que moi je remercie le ciel et tous les gens que J’ai rencontré tout au long de ma vie en France. J’avoue que je n’ai pas beaucoup souffert.  Je n’ai pas connu les affres qui sont le lot de beaucoup de personnes issues de l’immigration. Moi  j’ai eu la chance de faire des études dans de très bonnes conditions, donc  d’arriver déjà  relativement jeune et d’avoir un parcours à la fois scolaire et universitaire plutôt réussi , ce qui m’a permis très rapidement d’être prof à la fac à Villetaneuse d’abord  et aujourd’hui à Evry.

Très tôt,  je me suis engagé dans le combat associatif  parce que je considère qu’un être humain ne s’épanouit que dans la relation à l’autre et que lorsqu’on  a la chance que j’ai eu, donc qu’il est important de le redistribuer et de tendre la main aux autres , c’est ce que j’ai pu faire dans le cadre associatif et que je continue toujours de faire encore aujourd’hui. Moi je suis plutôt un être multiple et collectif, universel. Pour tout dire,  j’ai eu la chance d’être soutenu dans mes différentes initiatives individuelles et collectives. Tout cela, ma foi, m’a permis d’avancer, d’exister  davantage et de m’épanouir.

Grosso modo, je pense que ce n’est pas facile de s’en sortir en France quand on est un immigré d’aujourd’hui.  Si  on n’a pas de famille en France ou des amis pour un soutien inconditionnel, c’est vraiment très, très dur.  A cela j’ajoute les problèmes administratifs et de papiers qui se compliquent de jours en jours pour les immigrés.

Mais  nous, à notre époque,  c’est à dire qu’il y a 20 ans c’était un peu plus facile, il y avait quelques opportunités.  D’abord que les problèmes d’immigrations n’étaient pas aussi cruciaux, les problèmes d’immigrations et de vivre ensemble n’étaient pas aussi exacerbés, le Front National à l’époque n’avait pas le poids qu’il a aujourd’hui et puis la crise n’était pas présente.  Donc, c’est de plus en plus difficile de nos jours pour nos jeunes frères et sœurs qui viennent en France de s’en sortirMoi je défends régulièrement certains dossiers des personnes issues de l’immigration africaine et en particulier  guinéenne, dans le cade de  ma vice- présidente à SOS Racisme.  Mais franchement, ce n’est pas facile. Pour certains c’est la croix et la bannière, c’est le parcours du combattant.  On arrive quelques fois à régler quelques problèmes de discrimination et notamment de régularisation de papiers mais il  faut reconnaitre que c’est de plus en plus difficile aujourd’hui.

Et globalement, comment se porte actuellement  le SOS Racisme en France ?

ISK : SOS Racisme c’est encore aujourd’hui la principale organisation de jeunesse de France qui combat contre les discriminations, le racisme et l’antisémitisme. C’est l’organisation N°1, elle n’a pas puissance qu’elle avait il y a 20 ans autant d’Harlem Désir, mais  quand même, elle a contribué à pourvoir la Gauche française en cadres de haut niveau.

Aujourd’hui, le principal parti de ce pays est dirigé par l’ancien président de SOS Racisme et nous avons beaucoup de nos amis qui sont soient députés, sénateurs, ministres ou haut cadre dans l’administration française, donc ça, rien que ça, c’est déjà quelque chose de formidable. Parce que,  SOS Racisme permet d’irriguer la vie politique et administrative française, elle permet de fournir à la France ses meilleurs enfants et  ses meilleurs cadres. Par ailleurs, nous avons gagné le combat contre la banalisation du racisme, de l’antisémitisme et du Front National.

Grace à SOS Racisme aujourd’hui, il n’est pas aisé dans la classe politique française de s’accoquiner avec le Front National puisque SOS Racisme a permis de créer un cordon sanitaire autour du Front National. Grace à SOS Racisme, le Testing est reconnu comme un élément  juridique de preuves des discriminations.

Grace à SOS Racisme, je ne dirais pas que le racisme a reculé,  mais aujourd’hui,  on ne s’affiche pas volontiers raciste. On a aussi réussi à faire condamner de grosses boites, de grandes organisations pour discrimination à l’embauche, au logement  voire  au loisir. Cela  est incontestable !

Et en termes d’indice de notoriété, SOS Racisme est à 85% donc elle rejoint des marques comme COCA COLA dans ce sens,  ce qui veut dire que tout le monde connait SOS Racisme.  Et ça, c’est le combat de tout ce monde de militants qui se sont battus depuis 20 ans pour faire de cette association ce qu’elle est  encore aujourd’hui malgré les difficultés inhérentes au monde associatif.

Sorel, ça se voit ! Vous êtes un intellectuel de la diaspora africaine qui dispose de plusieurs cordes à son arc. Cela se traduit aussi  par votre engagement dans les médias avec BDM TV. Alors, qu’est ce qui a été à l’origine de ce projet BDM TV et quelles sont les perspectives d’avenir de  France Diversité Medias?

ISK : BDM TV c’est une opportunité  en fait.  C’est des amis qui sont producteurs, qui avaient un projet de télévision sur la chaine TNT et qui sont venus me voir parce qu’ils avaient entendu de moi, qui savait que j’étais très actif dans le milieu associatif et dans la société civile française et africaine et qui ont voulu  que je participe au projet. Donc j’ai rejoint le projet. Et puis au final le CSA a demandé à chacune de ces entités de déposer un projet personnel, donc nous nous sommes vus obligés de nous séparer de nos amis de départ et de présenter notre propre projet comme eux.

Et puis malheureusement pour eux ils n’ont pas été agréés par le CSA et moi je l’ai été.  Je pense que le CSA a aimé mon projet  éditorial d’une chaine  de la diversité, du vivre ensemble et d’une chaine qui fasse la promotion des talents des quartiers et des personnes issues de l’immigration et qui soit un pont avec l’Afrique, voilà le projet de BDM TV.

Et donc, ce projet a plu au CSA, je pense que peut être ma personne aussi. En tout cas j’ai été ravi d’avoir  l’agrément du CSA, parce que c’est la première fois qu’un noir dirige une chaine de télévision sur la TNT. J’en suis très fier encore aujourd’hui. Mais c’est un gros challenge,  parce que la télé ça coûte très cher. Il faut de gros investissements pour faire de cette chaine viable et efficace. J’espère à un 1 million d’Euros par an de financement de charges de production  et de fonctionnement.  Je travaille en ce moment avec moins de la moitié de cette somme, c’est insuffisant mais on y arrive quand même avec autour de moi des gens motivé et de bonnes volontés qui croient au projet et qui nous soutiennent.

Depuis 4 ans,  grâce à la ténacité nous sommes là sur le canal 21 de la TNT , contrairement à l’opinion de nombreux sceptiques qui n’y croyait pas du tout. Delà, nous sommes devenus,  la première chaine de la diversité en France. Mais le chemin est encore long à parcourir pour faire de cette chaine la première chaine européenne de la diversité. Nous y croyons et nous pensons que nous atteindrons  cet objectif bientôt,  par la grâce de Dieu.

Nous sommes donc ouvert à toutes sortes de partenariat,  avec tous les africains  ou guinéens qui veulent communiquer  et percer le marché français, ils ont à travers nous un media puissant, reconnu et accessible dirigé par des personnes issues de la diversité prêtes à faire avancer l’Afrique.  C’est aussi une façon de montrer que l’Afrique n’est pas le maillon faible  mais plutôt le continent de demain qui recèlent de talents multiples et d’une créativité exceptionnelle. C’est aussi le but de cette chaine de TV.

Justement, en  parlant d’Afrique,  quel regard portez-vous  sur l’actuelle situation sociopolitique de la Guinée-Conakry, votre pays d’origine ?

ISK : Dans cette période de crise, le continent africain est l’un des rares qui a une croissance à 2 chiffres et une jeunesse fabuleuse, des matières premières extraordinaires tout cela peut nous permettre de gagner le combat du développement.  Il faut simplement que les politiques de nos pays  prennent la mesure de l’enjeu et  considère que le plus important c’est mettre en avant l’avenir de leur concitoyens et non pas leur place et ils n’entreront dans l’histoire que s’ils arrivent à faire progresser le combat pour une Afrique du bien-être, pour une Afrique moderne, progressiste et une Afrique qui retrouve sa place dans le concert des nations.

En Guinée, je pense qu’il est important que les élections législatives aient lieu dans  de très bonnes conditions. Il est important aujourd’hui de penser au et d’abord au peuple martyr  de Guinée  qui a connu un demi-siècle de difficultés et de crises à la fois sociale et économique, de mal gouvernance, d’absence de justice  et de démocratie.

Aujourd’hui, il y a une faible lueur qui point à l’horizon, cette lueur il faut l’entretenir tous ensemble. Tous les enfants de ce pays doivent contribuer et se donner la main pour que le pays avance. Ce n’est pas simple, parce qu’il y a quand même des appétits voraces en terme de pouvoir et de la gestion étatique.

Je l’ai dit pour l’Afrique en général, les hommes politiques africains qui réussirons à entrer dans l’histoire c’est ceux qui réussiront à mettre en avant l’intérêt de leur peuple avant le leur. C’est en réussissant à faire progresser leur peuple et leur société qu’ils entreront dans l’histoire. Il  est grand temps que nos politiques guinéens le sachent.

En ce moment, le pays a besoin d’un dialogue constructif en permanence autour de la CENI et des législatives pour les élections en fixant les règles de jeu claires et transparentes. Faire en sorte qu’il y ait une CENI adouber par tout le monde et celui qui aurait gagné les élections qu’on le laisse gouverner tout simplement.  C’est en cela que nous pouvons faire de ce pays un vrai modèle démocratique.

 Côté jardin, si on vous demandait de vous définir en trois mots…

ISK : Générosité –Humanisme et Energie

Entre le chocolat et les arachides grillées que préférez-vous de plus ?

ISK : Les deux, je suis très arachide, ma sauce préférée c’est le mafé au beurre d’arachide, c’est  ce que nous on appelle en Guinée le Kansiyée (ndlr : Sauce d’arachide) et j’adore le chocolat notamment le chocolat suisse ou belge. Pour tous ceux qui veulent me faire des cadeaux, sachez que… Voilà, j’adore le chocolat noir comme au lait ou blanc. J’ai de la chance de ne pas trop grossir. Comme je bouge beaucoup, j’élimine.  Donc qu’ils ne s’inquiètent pas pour mon régime alimentaire et pour mes kilos superflus (Rire)

Je vous remercie pour cet entretien. Bonne et heureuse année à vous !

ISK : je vous en prie, c’est moi qui vous remercie. Bonne et heureuse année !

Propos recueillis par Aboubacar Mamadou. CAMARA

 

NB: il faut ajouter a cette interview un extrait l’émission en Sol Majeur de Rfi ci-joint

A propos Aboubacar

Journaliste et animateur radio. Directeur de Publication de ©Afroguinée Magazine, premier portail culturel et événementiel de Guinée-Conakry.

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