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Nzimbu, voix d’or : Un projet piloté par Ray Lema…

En kikongo, Nzimbusignifie le chant et la fortune. Dans cet album délicat, trois immenses voix des deux Congo unissent leurs timbres, leurs répertoires et leurs personnalités. Interview croisée avec Ray Lema, Ballou Canta, Fredy Massamba et le guitariste brésilien Rodrigo Viana.

 RFI Musique : Comment est né ce projet ? 

Ray Lema : Trente-deux ans après mon départ de Kinshasa, mon retour a été organisé par Benoît Thiebergien du festival Détours de Babel. Il voulait un spectacle où je mettrais sur scène les « tradis », moi avec ma vision tordue des modernes congolais et l’avenir, les rappeurs. Pour faire ça, je lui ai dit qu’il fallait que j’aille en RDC. C’est là où j’ai rencontré Fredy.

Vous ne vous connaissiez pas encore ?
Ray Lema : Je dois vous avouer que non. Mais Fredy maîtrise ma langue maternelle et je n’avais imaginé que le kikongo pouvait avoir ce swing-là. C’est ça qui m’a vraiment attiré dans cette rencontre et j’ai plongé dedans.
Fredy Massamba : Bien sûr, je connaissais Tonton Ray, il a marqué toute une génération ! À la maison, le samedi, papa buvait un petit verre de vin de palme et mettait les disques de Ray Lema. Nous, on avait les oreilles grandes ouvertes. La rumba était dominante, lui amenait quelque chose de différent. Il projetait déjà l’avenir.

Puis, vous avez monté ce projet autour des voix. Que vouliez-vous mettre en lumière ?
Ray Lema : Les Congolais ont une manière presque automatique d’harmoniser leur voix. À partir d’une ligne tonique, chacun trouve comment se placer et ça marche ! Mais notre harmonisation est triangulaire. Il nous manquait une troisième voix. J’ai pensé tout de suite à Ballou Canta : je l’ai connu très jeune et il n’y a que lui qui a la souplesse de descendre bas et de monter aussi haut dans les harmonies.

Comment avez-vous appris à chanter ?

Ballou Canta : Tout est prétexte à musique chez nous. Nous sommes bercés par la musique en permanence. Ma mère faisait partie d’une chorale, mon père était un grand percussionniste. J’ai commencé à chanter parce qu’au moment de la révolution, des groupes vocaux se sont développés un peu partout. J’ai été l’un des premiers à créer un orchestre au lycée et quand j’ai fait un stage aux PTT, j’ai monté le premier orchestre des travailleurs qui s’appelait Télé Musique.

Fredy Massamba : Ma mère était dans la chorale grégorienne et mon père président d’un orchestre. Et comme vient de le dire Ballou, les groupes vocaux existaient partout au quartier. Au départ, je viens d’une école traditionnelle, j’ai fait les chœurs chez Zao, puis je suis devenu chorégraphe et chanteur aux Tambours de Brazza. Mais je suis aussi smurf et hip hop dans l’âme. Le lien entre tout ça, c’est l’envie d’utiliser ma voix comme un instrument.

Autour des voix, on entend un piano, une guitare, quelques percussions…
Ray Lema : Ah non justement ! Il n’y a aucune percussion ! Tout sort des voix. C’était une volonté délibérée, je voulais enlever cette fausse identité des Africains avec un tambour entre les jambes. Nous nous voulons Africains, mais débarrassés de tout. Le rythme percussif, c’est Fredy qui le fait avec sa bouche. Il a réussi à m’arracher ça, mais sinon c’est simplement la langue qui est percussive. Et la guitare, c’est parce que j’ai besoin de construire la trame rythmique africaine. Je ne peux pas tout seul au piano. Je voulais quelqu’un qui me connaisse déjà pour me répondre parce que ce projet n’est pas fondé sur la virtuosité. Ce qu’on entend, c’est une ambiance humaine très particulière.

Rodrigo Viana, vous êtes brésilien. Comment vous avez appréhendé cet univers vocal congolais ?
Rodrigo Viana : Jouer avec ces trois messieurs, c’est un honneur et un bonheur, c’est difficile d’avoir les deux en même temps : souvent quand c’est un honneur, c’est chiant ! Au Brésil, je viens de l’État de Minas Gerais, une région minière, où il y avait beaucoup d’esclaves, 80 % ont été amenés d’Afrique centrale. Avant de savoir qu’un pays s’appelait le Congo, je connaissais le congado, une musique folklorique, traditionnelle, qui passe à la fin des processions catholiques. Ce sont des chansons torturées d’Afrique centrale, qui se transmettent depuis des générations, presqu’un rituel, où les chanteurs attendent l’arrivée du roi Kongo. Quand j’entends la rumba congolaise, j’entends des rythmes brésiliens !

Justement, quelle est la part d’influence de la rumba dans Nzimbu ?
Ray Lema : Elle est présente, mais ce n’est qu’une petite composante. Quand on prend les deux Congo, nous avons près de trois cents ethnies et à peu près cent cinquante musiques différentes et jusqu’à présent, on n’est parvenu à exploiter qu’un seul rythme. Non… Il faudrait quand même qu’on fasse des efforts ! C’est le conseil que je donne à tous les jeunes qui me côtoient : il ne faut surtout pas donner dans les travers de notre génération, à être enfermé dans leur petite tribu, celle des classiques, des jazzeux, des rumbistes… Si vous cherchez les influences sur cet album, vous n’avez pas fini d’avoir des migraines !

Que vous apporte cette rencontre entre trois générations ? 
Fredy Massamba : C’est un exemple énorme pour l’Afrique et le monde. C’est un bonheur, nous n’avons qu’un seul langage digne et fier.
Ballou Canta : C’est une grâce. Quand je suis avec Ray, je sors toujours de là en ayant appris quelque chose. Fredy Massamba apporte un souffle de jeunesse qui me nourrit.
Ray Lema : Je dis souvent que la seule condition pour pouvoir progresser dans ce métier, c’est d’apprendre à admirer l’autre. C’est ce qui se passe dans ce groupe : chacun personnellement a quelque chose d’unique.

Ray Lema, Fredy Massamba, Ballou Canta et Rodrigo Viana Nzimbu (One drop) 2015
Pages Facebook de Ray Lema
Site officiel de Ray Lema

Page Facebook de Fredy Massamba

A écouter aussi : La Bande Passante. (20/01/2015)
L’Epopée des musiques noires (24/01/2015)

A propos Aboubacar

Journaliste et animateur radio. Directeur de Publication de ©Afroguinée Magazine, premier portail culturel et événementiel de Guinée-Conakry.

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