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Serge Beynaud et le coupé décalé révélé

Loin de céder aux clichés qui ont façonné l’image du coupé décalé, l’Ivoirien Serge Beynaud tente depuis plusieurs années d’ouvrir une voie alternative. Son troisième album Accelerate a pour ambition de faire tomber les barrières qui ont entravé le développement de cette musique au-delà de l’Afrique francophone.

Dans la galaxie musicale du coupé décalé, Serge Beynaud est devenu un de ces astres qui se distingue non seulement parce qu’il brille, comme en témoignent les multiples récompenses obtenues sur le continent africain et sa nomination aux Kora Awards l’an dernier, mais aussi parce qu’il exerce une force d’attraction sur les artistes venus d’autres univers. Pour preuve, le voyage que le Malgache Wawa, figure du salegy survitaminé de la Grande Île, vient d’effectuer en Côte d’Ivoire pour y enregistrer un duo à ses côtés. « Sa musique fait bouger et la mienne aussi. On a été tout de suite sur la même fréquence », précise le jeune trentenaire ivoirien, qui rappelle s’être déjà produit dans le passé à Madagascar.

Avec son troisième album intitulé Accelerate, pour traduire son envie de « passer à un autre niveau », il cherche à « conquérir d’autres territoires, élargir [son] champ d’action ». Et en premier lieu l’Afrique, où il dispose de solides bases. Pour se donner les moyens d’y parvenir, Serge Beynaud a opté pour la stratégie bien connue des featurings : inviter des chanteurs en vue dans d’autres pays, et s’appuyer sur eux pour s’y faire un nom.

Voilà la raison de son déplacement à Dar es Salam, en Tanzanie, et la présence de Diamond Platnumz sur une des chansons qu’il y a enregistrées. « C’est un artiste qui fait un gros buzz là-bas », résume-t-il. La star du bongo flava est en effet un phénomène dont la renommée s’est même étendue aux autres États de la région avec ses chansons entre r’n’b, hip hop et influences congolaises qui dépassent en un temps record la barre des dix millions de vues sur les sites Internet où sont postées les clips vidéos !

Sur la liste des invités de l’Ivoirien, figure aussi le Guadeloupéen Krys, représentant de la scène dancehall, ou encore le Nigérian Iyanya, avec lequel des liens existaient déjà. « Cet album est différent des précédents parce que j’ai pris beaucoup de risques : en dehors du coupé décalé, j’ai aussi exploré d’autres rythmes comme le reggae, le r’n’b et un peu le zouk. J’ai voulu davantage m’exprimer. C’est un disque plus ouvert », assure celui dont le potentiel n’a pas échappé à David Monsoh, producteur d’envergure internationale (Fally Ipupa, Douk Saga) et président du jury de l’émission Island Africa Talent.

Un coupé décalé original

La popularité grandissante de l’afro trap en France, avec des artistes comme MHD, constitue pour lui « une belle opportunité » de s’engouffrer sur le marché hexagonal. « C’est carrément du coupé décalé, mais dans une version moins accélérée », juge-t-il. Mais il n’entend pas ralentir le tempo et tient à « défendre le coupé décalé original : à l’origine, ce n’était pas un style musical, mais un mouvement de jeunes qui venaient frimer, montrer leurs vêtements, comme le faisaient les Congolais. Et ça a inspiré des artistes qui en ont fait une musique qui allait avec la façon de vivre de ces acteurs-là ».

S’il est devenu incontournable aujourd’hui et fait presque consensus, au point d’avoir été recruté par la Radio Télévision ivoirienne pour animer l’émission de télé hebdomadaire « 100% coupé décalé », Serge Beynaud a longtemps officié dans les studios, en tant qu’arrangeur. Ce fils de militaire, qui a grandi dans un quartier d’Abidjan, raconte avoir passé tout son temps, enfant, sur le piano qui lui avait été offert : « J’étais tellement passionné que je restais à la maison à en jouer et du coup je n’avais pas tellement de copains dans le quartier. »

Lorsque son père revient de l’église, où il occupe certaines responsabilités, avec l’ordinateur « super lent » de la paroisse pour travailler chez lui, le garçon en profite pour faire ses gammes sur l’informatique et créer ses premières compositions. À l’église, son jeu au piano éveille l’attention du fils du propriétaire d’un des plus importants studios d’Abidjan, Touré Sound. « Tu as quelque chose en toi », lui dit ce poids lourd de l’industrie musicale ivoirienne après l’avoir auditionné.

Serge, âgé d’à peine douze ans, se met à passer de plus en plus de temps au studio. Sa chance survient avec Soum Bill, un des principaux artistes du zouglou : « Il avait besoin de faire une maquette et il n’y avait pas de beatmaker disponible au studio à ce moment-là. Monsieur Touré lui a dit d’essayer de faire quelque chose avec moi. »

L’expérience s’avère si fructueuse que le jeune homme est rapidement sollicité par d’autres artistes et apporte son savoir-faire en tant qu’arrangeur aux pionniers du coupé décalé : Debordo, Jean-Jacques Kouamé, Molare, Abou Nidal, DJ Arafat…

Premier morceau en 2009

Parce qu’il s’ennuie en studio, un matin de 2009, il décide de prendre le micro sur un morceau, sans trop savoir encore aujourd’hui pourquoi il ne l’a pas fait plus tôt. Quand la chanson sort, la réaction est immédiate et Serge comprend qu’il a eu raison d’écouter cette voix intérieure, même son meilleur ami à qui il avait demandé son avis lui avait conseillé de « laisser tomber » ! Une autre carrière démarre, plus exposée.

La première scène ? « J’ai dû boire un demi-verre de whisky pour être dans mon élément », rigole-t-il. Dès 2010, il joue hors de son pays. En une seule année, il se produit sept fois au Cameroun ! Trois fois déjà il a traversé l’Atlantique pour y donner des concerts. « Mais ce sont des shows communautaires, j’ai l’impression d’être en Afrique », relativise-t-il, lucide.

Loin de prendre part aux polémiques de toutes sortes qui agitent en permanence le microcosme du coupé décalé, Serge Beynaud ne cherche pas à se créer de personnage et semble évoluer sur une planète plus terrestre que ceux qui ont jusqu’à présent été les ambassadeurs du coupé décalé. « Ça ne me correspond pas trop parce que, contrairement à eux, je n’ai pas rêvé d’être un artiste », analyse-t-il. La posture n’est pas indispensable, pour ceux qui ont du talent.

Serge Beynaud Accelerate (Star Factory Music) 2017

Site officiel de Serge Beynaud
Page Facebook de Serge Beynaud

Par : Bertrand Lavaine
www.rfimusique.fr

A propos Aboubacar

Journaliste et animateur radio. Directeur de Publication de ©Afroguinée Magazine, premier portail culturel et événementiel de Guinée-Conakry.

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