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Youssou N’Dour, le ministre redevenu chanteur

Depuis qu’il avait été nommé ministre en 2012 puis conseiller du président Macky Sall, le chanteur sénégalais Youssou N’Dour avait privilégié ses fonctions politiques. Son nouvel album Africa Rekk, élaboré en famille avec des intentions musicales très afro-occidentales et un discours toujours plein de sagesse, le voit partager le micro avec des artistes comme Akon ou Fally Ipupa.

RFI Musique : Ce nouvel album porte-t-il les traces de votre expérience politique ?
Youssou N’Dour :
Lorsqu’on s’engage pour participer à l’évolution de la cité, on a beaucoup d’envies, mais on est un tout petit peu freiné par le système qui est beaucoup plus lent. Il y a dans cet album un engagement qui a toujours été là, même avant mon entrée en politique : quand je parle d’exode, de personnages comme Serin Fallu, de ces guides qui ont participé à la stabilisation du Sénégal. Mais comme la musique est pour moi une passion, je ne sens pas l’influence de ma partition politique dans cet album.

Avez-vous travaillé avec une équipe différente pour cet album ?
Tout au long de mon parcours, depuis que j’ai commencé la musique, mon petit frère Prince Ibrahima N’Dour nous a suivis. Il est devenu producteur et a beaucoup travaillé au niveau local, avec son label. C’est lui que j’ai choisi pour faire la réalisation de l’album. Comme c’est un homme très ouvert, très branché, au courant de ce qui se passe, il a essayé de faire ressortir tout cela dans sa vision des choses et je suis très content du résultat.

Plusieurs titres sont chantés en duo sur cet album : si la présence du Sénégalo-Américain Akon paraît naturelle, celle du Congolais Fally Ipupa peut sembler plus surprenante…
J’adore Fally. Il a beaucoup de talent. C’est un garçon bien, un petit frère. J’aime ce qu’il fait. La dernière fois que j’ai fait un concert à Bercy, je l’ai invité pour qu’on chante ensemble. On avait bien vibré et mon public l’avait ressenti. Comme Afrika Rekk est un album qui traverse l’Afrique, je ne peux pas oublier ceux qui incarnent aujourd’hui la musique urbaine africaine comme Fally Ipupa ou le Nigérian Spotless, qui est lui aussi invité sur l’album.

L’influence cubaine se fait entendre sur une des nouvelles chansons comme Money Money. Cela vous a-t-il rappelé de vieux souvenirs ?
Oui, ça nous a replongés à l’époque du Star Band [Le premier groupe dans lequel Youssou N’Dour se fait repérer ; NDLR]. La musique sénégalaise a démarré avec des artistes qui ont commencé à reprendre la musique cubaine, à récupérer des mélodies, puis à faire des textes en wolof. On a tous fait ça au début de notre carrière.

Comment avez-vous découvert la musique cubaine ?
Par les disques cubains, d’abord : Orquesta Aragon, Orquesta Broadway… Leurs disques nous parvenaient et en même temps j’écoutais de la musique cubaine jouée par nos chanteurs sénégalais.

La première fois que le grand public a entendu parler de vous en Occident, c’était avec Jacques Higelin en 1985. Comment vous étiez-vous rencontrés ?
Il paraît que dans l’avion qui l’amenait en Afrique, il avait dit qu’il voulait écouter des chanteurs africains. Il est tombé sur Immigrés, mon premier album, et il a dit qu’il voulait me rencontrer. On m’a contacté et je suis allé assister à son concert. Et j’ai vu un show. On est resté potes et puis le grand frère m’a dit qu’il m’invitait à Bercy, avec Mory Kanté, pour un spectacle fou. C’est un visionnaire, comme Peter Gabriel. Il nous a insérés dans son show parce qu’il voyait ce qui devait arriver et qu’on a pu appeler finalement « world music ». Quand vous rencontrez un grand musicien, renommé, qui vous respecte, reconnaît votre valeur, c’est comme prendre un raccourci.

Votre album précédent, Dakar Kingston, témoignait de votre attachement au reggae. À quelle époque avez-vous découvert cette musique et pourquoi vous a-t-elle touché ?
Mon oncle travaillait dans un magasin de disques à cette époque, et chaque fois qu’il rentrait, il nous faisait découvrir Bob Marley. C’est dû aussi à l’esclavage : quand les esclaves sont partis, les musiques sont parties avec eux, mais la musique latino, le reggae sont une partie de nous. Je vis Bob Marley intérieurement, je vis le reggae intérieurement. Je n’ai jamais vu un concert de Marley, je ne l’ai jamais rencontré et je me suis dit que la meilleure façon de continuer de lui rendre hommage, c’était de faire un album reggae chez lui, dans ses murs. J’ai rencontré Tyrone Downie [Clavier de Bob Marley de 1969 à 1981 ; NDLR], qui m’a beaucoup encouragé et aidé. L’album Dakar Kinsgton peut être présenté comme l’hommage de Youssou N’Dour à Bob Marley. Lui aussi venait d’un pays du tiers monde et son parcours m’a amené à me dire « pourquoi pas moi » ?

Youssou N’Dour Africa Rekk (Jive Epic/Sony) 2016

Page Facebook de Youssou N’Dour

Par : Bertrand Lavaine
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A propos Aboubacar

Journaliste et animateur radio. Directeur de Publication de ©Afroguinée Magazine, premier portail culturel et événementiel de Guinée-Conakry.

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