Koya est son quatrième album. Entre modernité et tradition, la musique d’Abou Diarra au caractère bien trempé oscille aux confins de la culture bambara, du blues et du rock.
Prodigieux joueur malien de kamalé ngoni, luth traditionnel bambara, Abou Diarra sort aujourd’hui son nouvel album réalisé par Nicolas Repac : un bel hommage à Vieux Kanté, son maître durant sept ans et à sa mère, au prénom éponyme de l’album.
En cheminant, il a appris et s’est construit. Le chemin qui sépare Koya de son précédent album, Sabou ? Trois ans. Il fallait bien cela pour laisser libre cours à son désir d’explorer les extraordinaires samples électro de Nicolas Repac et les merveilleux harmonies et rythmes du blues.
Interview de l’artiste au pas assuré !
Africavivre : Trois ans après l’album Sabou, vous sortez votre 4ème album, Koya. Vous le réalisez avec Nicolas Repac. Que vous apporte cette nouvelle collaboration ?
Abou Diarra : J’ai voulu pour cet album faire les choses différemment. J’avais une envie de retour au traditionnel. De faire un blues moderne. Mes inspirations viennent du blues à l’ancienne. Ma façon d’aborder la musique dans cet album est moderne.
Nicolas m’a fait écouter du blues. J’ai ensuite appliqué mes morceaux. J’ai joué et chanté ce que je souhaitais. Il y a eu une rencontre musicale entre nous. Nous avions tous les deux en tête des références de vieux blues. De nombreuses choses étaient évidentes pour nous deux, sans en parler.
Africavivre : Vous êtes un disciple de Vieux Kanté… Ce nom ne nous est pas inconnu. Qui sont les autres artistes qui vous accompagnent sur cet album ? Comment s’est déroulée la composition des morceaux ?
Abou Diarra : Oui, je suis toujours influencé par Vieux Kanté. Les autres joueurs qui m’accompagnent sont de vieux potes. On joue ensemble depuis longtemps. Ce sont des musiciens avec lesquels je travaille depuis plusieurs années.
J’avais au préalable posé ma voix et mon ngoni. En fonction de mon jeu, les autres artistes sont venus apporter leur instrumentation sur les compositions. Vincent Bucher, harmoniciste et Toumani Diabaté ont travaillé avec le Vieux Kanté avant. Il y a donc une continuité.
Le dernier morceau, un des derniers morceaux composés et mon préféré, est un des morceaux inspiré par le Vieux Kanté. « La Banco » est donc un clin d’œil à un album de Vieux Kanté.
Africavivre : Vous avez ajouté des cordes à votre kamalé ngoni et vous avez beaucoup silloné dans la région de l’Ouest africain. Vous êtes avant tout un explorateur ?
Abou Diarra : Oui. J’ai ajouté des cordes à mon ngoni pour faire entendre d’autres sons. Le ngoni traditionnel a six cordes. J’ai fait en sorte que le mien en ait douze. Je continue de faire de la recherche, comme dans un voyage. J’aime en effet explorer. Cela nourrit ma musique.
Africavivre : Que souhaitez vous transmettre à travers votre musique ?
Abou Diarra : Beaucoup de choses. L’envie de partager, de préserver la paix entre les peuples, peu importe la couleur de la peau, peu importe d’où l’on vient.
La tradition est aussi importante. Il faut la maintenir. Beaucoup de traditions ont aujourd’hui disparu. Ce que peuvent transmettre les vieux, le respect de la nature… Dans la tradition, il y a toutes ces valeurs.
Africavivre : Vous dites au sujet de cet album qu’il a une tonalité très blues. Il y a également des sonorités rock, notamment dans Tunga… Mais pour autant vous n’oubliez pas la musique bambara…
Abou Diarra : Oui. J’ai pensé à cela avant de le réaliser. Je voulais ces mélanges. Cet album, je l’ai en tête depuis quatre, cinq ans. Nicolas m’a aidé à donner naissance à cet album déjà mûrement réfléchi.
Africavivre : Le nom de votre album n’est pas anodin. Pouvez-vous nous dire ce qu’il signifie pour vous ?
Abou Diarra : J’ai joué de la musique avec ma mère. Elle est agée aujourd’hui et ne joue plus. Elle a pourtant accepté de chanter pour moi. Je lui rends donc hommage avec cet album.
Abou Diarra répond au questionnaire d’Africavivre
Africavivre : Quel est l’ingrédient indispensable pour concocter une belle musique selon vous ?
Abou Diarra : Le courage et le temps.
Africavivre : Quelle est, pour vous, la journée parfaite ?
Abou Diarra : Le 2 juillet. C’est le jour de mon anniversaire !
Africavivre : Quel est la femme ou l’homme politique (africaine) pour laquelle/lequel vous voteriez les yeux fermés ?
Abou Diarra : Le chef de mon village de naissance, Sanankoroni.
Africavivre : Dans dix ans, où serez-vous ?
Abou Diarra : Je serais là. A Paris.
Africavivre : Si votre musique devait se résumer en un slogan quel serait-il ?
Abou Diarra : Ma musique soigne les gens.
Africavivre : Qu’avez-vous prévu de faire demain (le jour suivant l’interview) ?
Abou Diarra : Demain, je vais fabriquer un ngoni. Ça prend plusieurs jours. Ce sera un ngoni à quatorze cordes. Ce sera un nouveau plus petit. Parfait pour voyager.
Propos recueillis par Eva Dréano