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Franck Gastambide : « Notre culture du rap français méritait d’avoir enfin une série

La première série sur la rap français « Validé » sort le 20 Mars sur Canal +. Rencontre avec Franck Gastambide, le réalisateur du show.

Franck Gastambide : Tout a commencé quand j’étais dans les bureaux de DJ Kore en train de préparer la BO de Pataya sur laquelle y’avait SCH, Lacrim etc… Beaucoup de gros noms. Et déjà l’époque j’assistais un peu à la manière dont marchait ce milieu de façon vraiment inside, avec leurs embrouilles et leurs succès. Très vite je me suis dit que ça pourrait faire l’objet d’une série incroyable. Je me suis dit, en vrai les américains ils ont EmpireAtlantaPower et nous en France on a pas de série alors que le rap est la première musique de France. Canal + me disait de venir les voir si j’avais un projet de série, c’est ce que j’ai fait avec Validé en leur vendant la première série française qui se passe dans le milieu du rap. J’avais une idée très claire en tête : un schéma à la Entourage ou à la Dix pour cent, c’est-à-dire raconter vraiment les coulisses de ce business en essayant d’être le plus juste, le plus sincère possible, en faisant surtout une série qui claque !

Tu mélanges pas mal de genres dans Validé, aussi bien la comédie que le drame mais aussi le thriller d’une certaine façon, c’était vraiment la recette que tu voulais donner ? 

Disons que j’avais trois gros challenges. Le premier c’était d’essayer de réfléchir à la manière la plus maligne et intelligente de traiter du milieu du rap français. Le deuxième c’était de travailler avec trois inconnus alors que j’ai toujours eu l’habitude de tourner mes films avec mon entourage proche (Sabrina Ouazanni, Malik Bentalha etc..). C’était un gros chamboulement parce que quand tu travailles avec tes potes, tu te poses moins la question des répètes, des prépas, de leur jeu… Et du coup c’était la grande question : est-ce que ces trois mecs que j’ai choisi vont être les bonnes personnes pour réussir à porter la série sur leurs épaules ? Et le dernier challenge, c’était de changer de registre. Les gens me connaissent pour Taxi 5, Pataya, Les Kairas etc… Des comédies populaires un peu trashs, alors que Validé n’est pas du tout une comédie. Evidemment y’a des notes d’humour, comme dans la réalité, mais dans le fond Validé est plutôt une série dramatique.

Même ton rôle, on a peu l’habitude de te voir jouer un personnage comme DJ SNO, qui parle pas beaucoup, qui en impose tout en étant sur la réserve ? 

Au départ je voulais même pas me donner de rôle dans la série ! Je voulais me consacrer à la mise en scène, à l’écriture et à la création de la série. Vu que je changeais de registre, je me suis dit que ce serait mieux de ne pas me mettre à l’image. Et puis Canal + m’a dit qu’il fallait que je sois présent à l’image pour que j’incarne la série et qu’avec Sabrina OuazaniAdel BencherifMoussa Mansaly, des acteurs plus confirmés, on entoure nos jeunes comédiens. Du coup je me suis demandé ce que j’avais de plus légitime à jouer et je me suis donné le rôle de ce producteur, beatmaker, DJ, parce que ce sont des personnages dans le milieu du rap qui me fascinent. Je me sens proche d’eux dans le sens où ce sont des créateurs et des chef d’orchestre. Je me suis beaucoup inspiré de DJ Kore, en le côtoyant j’ai vu que parfois c’était lui en fait le vrai créateur de la musique.

Au niveau du casting, je suppose que ça a été un gros travail pour trouver les trois acteurs principaux ?

On a vu des centaines de petits mecs qui étaient tous aussi doués les uns que les autres. Certains étaient des rappeurs exceptionnels, d’autres des acteurs exceptionnels… Sauf que là il nous fallait les deux compétences cumulées : acteur et rappeur. Très vite on s’est rendu compte qu’il fallait pas qu’on cherche des comédiens à qui on allait apprendre à rapper car ça allait pas marcher, donc on s’est tournés vers des rappeurs. Je voulais que ça soit des gens pas connus car je voulais pas qu’un rappeur célèbre vampirise la série et que ça devienne la série d’un tel ou d’un tel. Il fallait qu’on puisse s’identifier au héro à la manière d’Entourage par exemple. Et puis c’est par l’intermédiaire du milieu du rap qu’une vidéo de Hatik s’est retrouvé sur mon bureau. Et quand je l’ai vu je l’ai trouvé puissant, charismatique, dans l’air du temps, et je me suis dit qu’on avait trouvé notre héro.

Et c’était son premier projet en tant qu’acteur, du coup comment ça s’est passé ? 

C’est sur qu’en terme de rap y’a eu aucun problème, il avait des compétences incontestables de rappeur mais il fallait voir ce qu’il allait donner en acteur. Les essais ça a été compliqué parce que oui ce n’était pas un acteur de base et qu’il a fallu qu’on travaille beaucoup. Mais c’était un pari de se dire écoute t’es un super rappeur, t’as un super physique, maintenant on va faire en sorte que tu puisses devenir un acteur. Et après deux mois de longues journées de répètes, qui ont même continué le matin sur le tournage, on a fini par obtenir ce que vous allez voir dans Validé !

T’as réuni énormément de guests dans la série : Ninho, Mister V, Lacrim, Kool Shen, Soprano, Gringe etc… c’était indispensable pour toi de les avoir ? 

Déjà la première victoire ça a été de se rendre compte que la majorité du game était super positive par rapport à l’arrivée de cette série. Tout le monde nous a ouvert les portes, les radios notamment, et tous les guests que je rêvais d’avoir ont dit oui. J’ai voulu les utiliser pour ce qu’ils sont dans la vie, par exemple on est parti tourner au Vélodrome quand Soprano a fait son concert là bas, Lacrim intervient dans des moments un peu plus sombres… C’était un kiffe !

Ils avaient pas d’à priori sur le traitement ?

Ils avaient des petites inquiétudes, genre ils m’ont demandé si j’allais faire un truc comme Pataya ou si c’était un truc sérieux. Et c’était totalement légitime qu’ils se posent la question sur la manière dont j’allais traiter le milieu du rap, qui est leur vie. Je me rappelle de longues discussions avec Mac Tyer qui avait besoin de savoir comment j’allais aborder le sujet, et je le comprenais car ce sont des mecs qui te valident justement, qui t’apporte une crédibilité et leur image donc c’était normal de les rassurer sur ce que j’allais en faire. Et après ça a été un kiffe de leur montrer la série, et d’avoir leur réaction comme Mac Tyer qui m’a dit « Tu ne te rends pas compte de l’impact que ça va avoir dans notre milieu__ » et ça c’était une grosse récompense pour moi. J’ai jamais eu de retours aussi incroyables sur l’un de mes projets et maintenant j’ai hâte que les gens la voit.

Brahim Bouhlel, Hatik, Saïdou Camara
Brahim Bouhlel, Hatik, Saïdou Camara

Au niveau de l’histoire, des personnages, y’a beaucoup de similitudes avec la réalité, tu t’es vraiment inspiré de ce qu’il se passe aujourd’hui ? 

C’est inspiré de tout ce qui peut se passer, peut-être de choses qui se sont passées, mais en tout cas on a pompé l’histoire de personne. Evidemment tout le monde te demande si on parle de Booba/Kaaris, ou de SCH/Lacrim, ou Fianso/Lacrim… C’est rien de tout ça et en même temps c’est un peu de tout et de tout le monde. C’est le rap game, c’est le rap français… Des histoires de concurrence, de jalousie, de vol, de tromperie… Tout ça se répète de manière incessante dans ce milieu là. Evidemment maintenant, tout est sur-médiatisé parce que le rap c’est la première musique de France aujourd’hui. C’est devenu le sport national de suivre les embrouilles des rappeurs sur les réseaux mais ça date pas d’aujourd’hui tout ça, c’est juste qu’avant y’avait pas internet. Les rappeurs d’aujourd’hui n’ont pas inventé la violence du rap, elle est liée à cette culture parce qu’elle est parfois portée par des personnes qui viennent de milieux violents.

Tu mets vachement en avant les réseaux sociaux dans Validé, c’est pas possible de s’en passer dans le rap game aujourd’hui ? 

Dans le rap c’est quelque chose de très fort c’est sur. A l’heure où on se parle, Lacrim et Fianso sont en TT sur Twitter parce que Lacrim a cherché Fianso cette nuit. C’est une réalité de parler des clashs des rappeurs. Mais il y a aussi l’autre réalité, celle d’utiliser les réseaux pour devenir une « star digitale », ça vaut ce que ça vaut après, mais en un événement tu peux y arriver. Et c’est d’ailleurs le point de départ de Validé, ce petit mec qui va se retrouver à faire un freestyle chez Planète Rap et qui va être propulsé dans le rap game de la manière la plus radicale possible.

On parle beaucoup de la représentation du rap dans les médias toujours assez négative, aujourd’hui tu sors la première série sur le rap français, c’est en train de changer tout ça ? 

On est en grosse progression, tout s’est accéléré ces dernières années. Moi j’arrive d’une époque où Kool Shen disait « l’essentiel était de sortir de la cave et les gens le savent ». Bah on est bien sorti de la cave là ! Maitre Gims rempli le stade de France, Soprano deux vélodromes, Booba la U Arena… C’est fantastique ! C’est la merveilleuse histoire du rap français, c’est ça ce qui est en train de se passer avec le rap. Et si moi je peux apporter ma toute petite pierre à l’édifice en leur apportant cette série et en l’ayant réussie, et bien je suis très fier de moi.

Validé, réalisé par Franck Gastambide, disponible le 20 Mars sur Canal +.

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A propos Aboubacar

Journaliste et animateur radio. Directeur de Publication de ©Afroguinée Magazine, premier portail culturel et événementiel de Guinée-Conakry.

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