Directeur national des arts, Fondateur de l’Edition Djembé d’Or et ancien sociétaire de l’orchestre Sofa Camayenne, Jeannot Williams nous parle des trois disques d’or guinéen. En tant qu’homme averti dans le domaine culturel, Jeannot explique dans cet entretien les conditions d’obtention d’un disque d’or et l’environnement technique qui y sied. Lisez….
Guinée-culture : Après plus d’un demi siècle d’indépendance politique, voir culturelle, la Guinée n’a que trois disques d’or. Pour un pays qui a un héritage culturel aussi grand, mérite une réflexion. Qu’en dites-vous ?
Jeannot Williams : Cette question est très complexe. Le disque d’or, c’est un disque de certification. Une récompense remise à un artiste pour souligner un album musical ou un single qui s’est vendu à un certain nombre d’exemplaires.
Cela se fait dans des pays qui ont une industrie culturelle saine. D’abord, il y a des disques d’or, des disques de platines, des disques de diamants, des bronzes et ainsi de suite, chaque pays selon son nombre de vente. Si nous nous prenons classiquement les disques d’or dans les pays bien organisés, c’est quand les premiers 100.000 disques sont vendus sur un temps bien déterminé. Cela peut être en un mois, une semaine, ou en un temps record. Tout de suite, la maison de production se trouve être récompensée par un disque d’or qui revient aux artistes auteurs, à l’artiste auteur ou à l’orchestre auteur de cet album.
Ensuite, cet octroi peut être subjectif ou objectif. Il y a des pays à 50.000 ventes déjà, vous avez un disque d’or. Récemment avec la chute de la production de disques, avec les téléchargements et autres, on ne peut plus s’attendre à 100.000 disques vendus, pour avoir un disque d’or. Et cela baisse d’année en année. C’est pourquoi, c’est très relatif.
Revenons au cas Guinéen pour parler de ceux qui ont eu cette distinction…
Pour le cas précis de la Guinée, le premier Disque d’Or est une récompense de l’académie Charles Cros qui a été décernée à Sory Kandia Kouyaté. Cette académie était constituée par des critiques de disques depuis 1947, qui avaient déjà commencé à repérer certains disques dans plusieurs catégories. Là, ce n’était surtout pour les ventes, c’étaient des disques dont l’exécution musicale ou des titres qui composaient ces différents disques avaient des cachets un peu particuliers. Par exemple, quand vous prenez la voix de Sory Kandia, sa voix a plus porté que la musique qui été produite. C’est une voix extraordinaire et sublime. Et, cette académie a vraiment des grands critiques qui sont des grands maitres dans le domaine de tout genre de musique. Ils vont aussi bien dans les profondeurs des musiques ethniques, que des Jazz, des blouses ou plein d’autres musiques. L’album de Sory Kandia qui a eu ce prix, c’est l’album où vous avez Kandia et Keletigui sur la face A, où il y a des titres comme Conakry, N’na, Tinkisso et Fouaba. Et sur l’autre face, il a chanté en traditionnel avec Elhadj Djeli Sory au Balafon, accompagné par l’ensemble instrumental traditionnel.
Les spécialistes ont donc trouvé cela génial. Voir un chanteur aussi bien à l’aise et qui fulmine vraiment en vrai soliste aussi dans un orchestre moderne que dans la musique traditionnelle. C’était exceptionnel à l’époque et nous étions en 197O.
Revenons aux autres disques d’or. C’est le cas du Disque d’or qu’il fallait remettre à partir d’un certain nombre de disques ou de singles vendus.
Mory kanté, le Griot électrique, à cause du seul sigle de ‘’yèkèkè’’, un titre parmi tant d’autres, a été transformé en un tube mondial. Alors, si à Paris en un temps record, il y a les 100.000 disques qui sont déjà vendus, il a un disque d’or. A côté, c’est la Belgique, si 100.000 autres sont aussi vendus, il a un deuxième disque d’or, en Allemagne un troisième disque d’or, ainsi de suite…. Mory Kanté avec un seul single peut décrocher 10 à 15 disques d’or. C’est relatif. Mais, la législation dans ces pays à cette époque voudrait que quand on vend une telle quantité de disques ou de singles, qu’on reçoive un disque d’or comme récompense.
Sekouba Bambino, c’est avec le groupe Africando, qui a vu que cette musique Salsa battait de l’aile jusqu’à une certaine période. Mais il ne faut aussi oublier la contribution de producteur Ibrahima Sylla, qui est aussi un bagarreur. La production peut être bonne. Mais, si le producteur ne met pas le paquet, pour la promotion, pour que le disque soit vendu, il n’est pas question de parler de disque d’or.
Vous pouvez voir un très bel album, bien fait, mais qui ne bénéficie d’aucune promotion. Donc, il ne peut pas donc être vendu. Et s’il n’atteint pas le cota souhaité, il ne l’aura pas de disque.
La qualité du disque d’Africando était bien faite, mais il y a aussi que le producteur est rentré dans le grand rouage des majors. Mais, si nous prenons le cas du Nigeria, où il y plus de 100 millions d’habitants. Il y a des régions qui ont plus de 25 millions. Que direz-vous d’un artiste célèbre d’une région là-bas, qui vendrait plus de 10 millions d’albums en une semaine. Mais, on les décerne pas de disque d’or. C’est pourquoi, c’est relatif. Et que dit-on d’un pays comme la Chine, qui a plus d’un milliard d’habitants ? Il faut donc le prendre sous deux aspects. L’aspect subjectif et objectif.
Il y a des pays, où l’entreprise de disques n’a pas encore trouvé son environnement professionnel qu’il faut. La piraterie aussi étant à coté. Vous avez un Djeli Sayon qui a sorti ici un album, qui est montée jusqu’à 80 mille ventes, en moins de deux trois semaines, voire à 100.000. Mais, en Guinée on n’avait pas une maison spécialisée qui pouvait récompenser les artistes.
Est-ce un cas particulier à la Guinée ?*
Ce n’est pas le cas de la Guinée seulement, beaucoup de pays africains, ne donnent pas de disque d’or. Mais, est-ce qu’on a un organe de contrôle de la production de l’album de sa production à sa distribution ? Pour savoir exactement qu’est ce qui se vend. Est-ce que le producteur déclare effectivement tous les produits ? Il y a tous ces hics. Moi, je me dis que le quota de 100.000, n’est que symbolique, mais ça obéit dans un pays ou les normes sont clairs. Le manque de structures fiables fait que personne ne peut vous dire combien de disques ont été vendus. Il faut que l’environnement du disque soit sain et professionnel.
Encore une fois, ce n’est pas que la Guinée. Il y a rarement des pays africains où on donne des disques d’or. Les Magic systems ne sont pas disque d’or en Cote d’ivoire, ainsi que les Alpha Blondy, Cesaria Evora ou Youssouf N’Dour. Ils ne le sont qu’en occident.
Il y aussi la qualité qui manque à nos artistes.
Si vous faites un répertoire mondiale des disques d’or, c’est-à-dire les grosses cylindrées, de toutes les musiques du monde, c’est parce que, il y a une grosse machine que le producteur met en branle, pour en faire une grosse production de qualité à partir du studio, ainsi bien par des techniques de prise de son et tout autre. Il faut que les deux qualités soient réunies. Ce n’est pas un artiste médiocre. On met l’artiste dans toutes les conditions pour qu’il soit au sommet, pour qu’il puisse donner le meilleur de-lui-même.
Est-ce qu’on peut dire que le Djembé d’Or est venu pour combler le trou des récompenses musicales dans notre pays ?
Les époques ont changé. Si vous prenez la décennie 2000 à 2010, l’industrie de disques avait déjà commencé à chuter. Et aujourd’hui, elle est complétement en perte de vitesse. Maintenant même lorsque que vous vendez 10.000 ou 20.000 vous avez un disque d’or ou un disque de platine. Pour le cas du Djembé d’or, je l’ai lancé au mois de Juin 2000. A cette époque, il y avait à peine trois ou quatre produits guinéens par an. Donc, c’était pour encourager et combler ce vide. Puisque nous voyageons beaucoup, nous échangeons avec les autres, il fallait qu’en même répondre à certaines questions. Quel est l’artiste qui vend le plus en Guinée ? Quel est l’album le mieux arrangé ? La voix féminine, l’espoir, ainsi de suite. Voici des catégories et les autres ont commencé avant nous. Un pays aussi culturel que la Guinée devrait le faire plutôt. C’est un vide que la Djembé d’Or a essayé de combler pour que chaque année des artistes soient récompensés, tout en créant de l’émulation.
Nous partons des déclarations de la BGDA, des sondages que nous fait ‘’Stat view international’’, avec l’avis des spécialistes de la musique et on aboutit à des résultats qui sont généralement incontestables. Mais l’un dans l’autre, c’est dans le même souci. Ce sont les victoires de la musique.
Pouvons-nous aujourd’hui mettre une structure fiable pour aboutir à la délivrance des disques d’or dans nos pays ?
Ce n’est pas obligé de faire le disque d’or. Ce n’est pas un passage obligé. Ne prenez pas le disque d’or comme le ballon d’or. Puisque c’est basé sur les ventes.
On peut bien parler du Disque ou de Djembé d’Or. Mais si les gens ne mettent pas du sien pour faire de la production de qualité, digne de nom, et qui réponde vraiment au label Guinée, il serait très difficile. Nous avons des atristes talentueux, qui se battent, mais est-ce qu’ils ont pris sur le bon pied ? Je me dis non ? Si ça marche du côté des Espoirs de Coronthie, d’autres peuvent le réussir aussi. Ce que vous avez chez vous ici, n’allez pas le chercher ailleurs. N’enrichissez pas la culture des autres au détriment de la votre. Même si on s’ouvre.
Les jeunes doivent mettre la balle à terre pour reprendre notre musique comme elle le mérite. C’est une musique qui n’a pas besoin de prendre la direction qu’elle est entrain de prendre. Sinon, elle ne ressemble plus à rien, elle n’a aucune personnalité, aucune identité.
Guinée-Culture