Mac Tyer, Niro, Limsa d’Aulnay ou Wit : petit rattrapage pour ceux qui sont passés à côté des meilleurs projets de l’été.
Les grandes vacances se terminent dans quelques jours, et la France s’apprête à vivre une rentrée inhabituelle, où la priorité sera donnée aux gestes barrières et à la prévention des risques de transmission d’un certain virus. Le monde du rap devrait lui aussi reprendre une activité normale, avec quelques albums très attendus (Kaaris le 4 septembre, Freeze Corleone le 11, Damso un jour peut-être), quelques surprises, et, pour le moment, beaucoup moins de concerts ou showcases. Une fois n’est pas coutume, nos rappeurs ont tout de même été particulièrement actifs cet été, avec des sorties de projets en pagaille.
Une partie du public s’étant partiellement déconnectée de l’actualité rap en juillet-août, n’en retenant qu’un énième beef de Booba et le “zumba-cafèw” de Soso Maness, on fait le point sur quelques-unes des sorties importantes de ces dernières semaines, pour vous permettre de vous mettre à jour avant la reprise. Evidemment, la liste n’a rien d’exhaustif et les suggestions d’écoute sont les bienvenues !
Mac Tyer – Noir
Sorti sans prévenir le 17 juillet, ce nouveau projet de Mac Tyer a surpris un peu tout le monde, aussi bien par son timing que par son orientation artistique. Plutôt discret depuis C’est la street mon pote, publié en novembre 2018, le rappeur a en effet choisi de faire son retour sur la pointe des pieds, avec un projet court en plein milieu de l’été. Mais c’est surtout le contenu de ce 8 titres qui importe : à l’opposée de la couleur estivale de la plupart des sorties du moment, Noir est -comme son titre l’indique- un projet extrêmement sombre et pesant. Difficile de classer cet EP parmi la longue discographie de Mac Tyer, mais il s’agit très clairement de l’un de ses très bons projets, et sans aucun doute l’un des immanquables de cet été. Le single Moto, avec Ninho, a été l’un des bangers de l’été, on retient également l’entente assez folle avec Kalash Criminel sur Shooters, ou des titres pesants comme Hiver et Pistolet. A écouter d’urgence, si ce n’est pas déjà fait.
Gambi – La vie est belle
Attendu de pied ferme après le carton de ses différents singles (Hé oh, Popopop, Dans l’espace), Gambi a attendu le mois de juillet pour livrer son premier album. Si la réception critique très ambivalente a été globalement la même que pour les extraits livrés depuis 2019, c’est surtout la démarche autour de la sortie qui a fait discuter. Aucun featuring, aucune interview, une promo uniquement axée sur les réseaux sociaux de l’artiste : on peut se demander s’il s’agit d’une stratégie pensée à l’avance ou d’une adaptation de dernière minute rendue nécessaire par la situation sanitaire. Quoi qu’il en soit, l’album a plutôt bien fonctionné, même si on est très loin du raz-de-marée annoncé à l’automne 2019.
Niro – Sale môme
Depuis quelques années, Niro se montre très créatif sur la question de la promotion et surtout des contextes de sortie de ses différents projets : album deux-en-un avec Ox7/m8re, tracklist qui se complète au fur et à mesure avec Stupéfiant, etc. Pour Sale Môme, on a eu droit à une stratégie beaucoup plus spontanée mais tout aussi efficace : jeudi 8 juillet, il annonce aux alentours de 23h40, via un live instagram, la sortie d’un nouvel album … à minuit. Sur les vingt titres proposés par le rappeur, beaucoup de choix, et l’impression d’avoir affaire à l’un de ses projets les plus éclectiques, avec beaucoup de prises de risques sur le plan des sonorités. Le positif, c’est que Niro est comme toujours, fidèle à lui-même et à sa personnalité, et qu’on sait donc où on met les pieds. A noter que le même jour, Bracash, produit par Niro, publie le projet 357, dont on vous parle juste en dessous.
Bracash – 357
Le 28 mai dernier, Niro annonce un projet assez fou : il compte créer une star de toutes pièces. C’est même le public qui choisit le nom de cette future star, “interprétée” par un ami de Niro casqué et ganté, qui ne s’exprime pas, et joue quasiment le rôle de mascotte. Le 9 juillet, on a donc eu droit à la première sortie de cette star virtuelle, un EP assez atypique où le ghostwritting est assumé et assuré par des têtes d’affiche (Niro, Maes, Naza, Nino-B, etc), avec des sonorités tendance électro, et surtout un humour omniprésent aussi bien dans les textes que dans les clips.
Limsa d’Aulnay – Logique part.1
Actif depuis une demi-douzaine d’années, en particulier au sein de la 75ème Session, Limsa était jusqu’ici réputé pour la qualité de ses prestations en featuring : PLK, Népal, Di-Meh, Lomepal, etc. Décidé à monter en gamme et à faire valoir ses qualités sur un projet solo plus carré que ses précédentes sorties (un Et et un projet un peu fourre-tout en 2015), il a marqué les esprits début juillet avec un format très court mais particulièrement efficace. Entre titres introspectifs (4 décembre), ambiances nocturnes (Attiré par la night) et sonorités ambivalentes à mi-chemin entre old school et nouvelle école (Lost Highway), le rappeur d’Aulnay-sous-bois fait étalage de sa technique et de sa capacité à installer une atmosphère pesante (“tous les keufs sont des haineux, tous les samedis sur Paname sont ténébreux /
Arrêtez d’me dire que tout va bien, des daronnes en gilets fluos font des émeutes”) tout en jouant sur l’autodérision (“trop fonce-dé, j’ai confondu la sonnette du voisin et la lumière”) et l’humour (“elle est venue pour m’donner sa faiblesse, je l’accueille en slibard comme Franck Dubosc”). Assurément un profil à suivre.
Emodrill – Le nouveau Western
Rencontre improbable entre la grande distribution musicale (Believe) et la scène underground française (le label Maison Blanch.), la compilation Le Nouveau Western, sortie le 10 juillet, est pensée pour mettre en avant toute une série d’artistes au style éloigné des standards du rap actuel : Jorrdee, Retro X, Lala &ce, Skinny Sixbool, etc. L’ensemble est orchestré par un grands noms du rap de Grigny, Gizo Evoracci, dont le CV est beaucoup trop long à étaler ici mais qui fait profiter à tout ce beau monde de son expérience du monde du rap et de la vie.
Alkpote – Vie rapide
Enième projet-surprise de l’été, Vie Rapide est un 7 titres majoritairement produit par Dolor et BBP, sur lequel Alkpote fait ce qu’il sait faire de mieux : enchaîner les métaphores sexuelles les plus inventives (“j’préfère laisser mes enfants dans ta gorge, plutôt qu’en garderie (splash)”), empiler les rimes multisyllabiques (“L’Empereur vous fait peur, tout comme Vladimir / tu vois qu’je suis toujours chaud, vas-y, tire / j’’bois la vodka au goulot, à midi, et mon joint fait la taille d’un rouleau d’pâtisserie”) et explorer les limites du corps humain (“j’ai les couilles en vibranium”, “j’mets ma bite dans ta colonne vertébrale”). Certainement pas le projet le plus marquant de la discographie d’Alk, mais une bonne petite sucrerie pour faire patienter ses fans en attendant la suite.
San-nom – Rien
Extrêmement actif depuis 2018, San-nom est l’un de ces profils qui font franchement plaisir à entendre à l’heure où les rappeurs donnent surtout l’impression de ne plus avoir envie de rapper. Malgré un univers très marqué par l’humour et l’autodérision, San-nom est avant tout un garçon qui a faim et qui a envie de tout donner. Signé chez Sony depuis peu, il a donc publié le 8 juillet un projet intitulé Rien marqué entre autres par la haine gratuite (Je te déteste, Bien fait pour ta gueule, Je nous déteste) mais surtout le plaisir de rapper -d’autant qu’on sent, notamment à travers ses clips, que le garçon est content d’être là et qu’il tient à se faire plaisir.
Wit – No Future
Proche de Laylow, avec qui il a énormément collaboré à ses débuts, Wit tente de faire son trou en solo, avec une belle productivité et un univers à part. No Future est sorti au beau milieu de l’été -pas forcément le meilleur moment pour se faire remarquer- et constitue l’un des projets les plus aboutis du rappeur montpelliérain. Son style est marqué à la fois par un discours fataliste et par une forme d’humour noir qui assombrit encore l’atmosphère, le tout enveloppé dans un univers que l’on pourrait rapprocher du cyberpunk. Puisqu’il est important de le démarquer de son compère Laylow, la grande différence se situe dans le phrasé de Wit, qui conserve bien plus de traces de son passé de kickeur, malgré une évolution très nette dans l’interprétation.
So La Lune – Tsuki
Avec son tout premier projet, So La Lune a su toucher sa fan-base naissante avec une manière assez personnelle de se raconter : il en dit en effet beaucoup sur lui tout en prenant le temps d’installer une ambiance planante -clairement une excellente combinaison pour transporter l’auditeur. Intitulé Tsuki, ce projet sorti le 24 juillet est l’une des belles découvertes de l’été, et donne clairement envie d’en entendre plus de la part du jeune rappeur venu de Lyon mais installé en région parisienne.