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DMX, Cerbère des Enfers et légende du rap

Toute sa vie, Earl Simmons s’est servi du rap pour lutter contre le fardeau de sa propre existence. Emporté par ses démons, DMX laisse derrière lui un héritage musical fascinant.

2Pac à Pop Smoke en passant par Biggie, Nate Dogg, Nipsey Hussle, Mac Miller et Juice WRLD, c’est la même douleur qui, à chaque fois, revient nous saisir violemment à la gorge. Celle provoquée par le chagrin de la disparition d’un grand nom de la culture hip-hop. Dès l’instant où la mort frappe, on espère que ce sera la dernière fois. Nous sommes bien naïfs évidemment. Alors que nous supplions la faucheuse à faire preuve de clémence, celle-ci nous a une nouvelle fois ri au nez avant de nous arracher brutalement DMX.

De la plus ignoble des manières en plus, puisque Earl Simmons a été victime d’une crise cardiaque provoquée par overdose. D’abord placé dans un coma artificiel sous assistance respiratoire, le rappeur né à Mount Vermont, dans l’État de New-York s’est éteint une semaine plus tard, le vendredi 9 avril 2021 à l’âge prématuré de 50 ans. Son incroyable combativité et les prières venues du monde entier n’auront malheureusement pas suffi à le sauver.

Même si, de par son état végétatif persistant et ses tests cérébraux toujours plus inquiétants, nous y étions fatalement préparés, la perte de DMX n’en est pas moins douloureuse. Cela pour la simple et bonne raison qu’en plus de vingt ans de carrière, le rappeur était parvenu à rassembler autour de lui, sa musique et ses pitbulls, des millions de personnes scandant ses morceaux. Mais ne vous fiez pas aux vibes festives de certains de ses plus grands hits. Ceux qui l’ont écouté au moins une fois le savent : DMX est loin d’avoir eu une vie facile.

DMX, l’enfant maudit

Gamin maltraité, élevé par les préceptes rigides des témoins de Jéhovah, problèmes respiratoires dès la naissance, père absent, liens familiaux décousus, extrême pauvreté et violence régulières… Ses quelques exemples suffiront à décrire l’enfance tumultueuse qu’a connue DMX. Une succession de traumatismes juvéniles qui le conduiront dès son plus jeune âge à prendre le mauvais chemin, allant même jusqu’à pactiser avec le diable. Un contrat maléfique alléchant sur le papier, mais qui l’aura fait passer par mille et un tourments.

Au total et tout au long de sa vie, DMX s’est retrouvé une trentaine de fois en prison, pour diverses infractions. Son casier fait état de nombreux actes allant du vol à la conduite sous l’effet de substances illicites, en passant par de la cruauté envers des animaux, des braquages ou encore de l’évasion fiscale. C’est à seize ans que le jeune Earl Simmons se retrouve pour la première fois derrière les barreaux, après avoir volé un chien dans une déchetterie. Seul contre tous, il fera finalement des canidés ses meilleurs amis, en devenant le MC qui murmure à l’oreille des pitbulls.

Né à une époque où les rappeurs réglaient leurs comptes en faisant fuser les balles, DMX lui préférait se faire respecter en faisant attaquer ses chiens. Élevé par la force des choses dans la froideur des rues de Yonkers, le jeune adolescent s’est vite fait appeler le Cerbère de Yonkers. Dans son autobiographie intitulée E.A.R.L.: The Autobiography of DMX, le rappeur décrit les actes de terreur de ses dogs : « Les balles fusent droit, mais un chien ne lâchera jamais sa cible. Un chien vous regardera et vous dira: « Je vais vous tuer »__. Si son maître lui en donne l’ordre, il vous poursuivra pendant des heures, au travers les bâtiments, les rues, les voitures ». Boomer, celui qui a longtemps été son pitbull emblématique peut en témoigner.

Outre la violence sans pitié dont il pouvait faire preuve dans la rue avec ses molosses, DMX a malheureusement lutté, de l’adolescence jusqu’à son dernier souffle, contre la toxicomanie. A peine âgé de quatorze ans, après un énième braquage, il est happé par la faute de Ready Ron, l’un de ses plus proches complices, dans l’une des drogues les plus violentes : le crack. Il relate cet épisode charnière de sa vie dans son morceau « Pain ». « J’ai fumé du crack pour la première fois à quatorze ans. Je l’ai reçu de la part de quelqu’un que j’idolâtrais. Mon amour était véritable, mais après ça, j’ai vu dans ses yeux qu’il n’était qu’un serpent et qu’il portait un déguisement ».

Malheureusement pour lui, il était trop tard. Le diable avait gagné et son piège s’était définitivement refermé. Dès lors, DMX entama une interminable descente aux enfers, luttant perpétuellement contre la dépression et les démons de ses addictions. Le rappeur n’avait pas peur des mots et se qualifiait lui-même de « maniaco-dépressif avec une paranoïa extrême ». Mais alors que tout espoir semblait déjà perdu pour le jeune homme, une lueur d’espoir s’est dressée devant lui.

Le rap pour la rédemption

Chrétien dévoué après la désillusion entraînée par la doctrine des Jéhovah, DMX a très vite vu dans sa nouvelle foi, un moyen de trouver la paix en expiant ses nombreux pêchés. Ses prières ont semble-t-il été entendues le jour où le Tout-puissant a dressé devant lui une porte de sortie : le rap.

Arrivé de nulle-part à la fin des années 90, DMX s’est immédiatement imposé comme un antihéros du hip-hop. Inspiré par son parcours de vie chaotique et guidé par l’énergie de ses voraces compagnons à quatre pattes, Le Dog ne rappait pas, il aboyait. D’une manière si unique que son timbre de voix rocailleux était reconnaissable entre mille.

Écouter DMX, c’est embarquer pour un voyage glaçant et authentique, au plus profond de ses ténèbres intérieures. Sa musique n’était effectivement pas nimbée de lumière, mais au contraire, transpirait l’agonie et la douleur. Micro en main et toujours prêt à le déchiqueter, Dark Man X exprimait avec une brutalité déconcertante sa souffrance, ses peurs et ses doutes. Rongé par ses démons, il se laissait souvent sombrer jusqu’à se retrouver comme possédé par ce diable qui, des années plus tôt l’avait déjà condamné. Habillé par les beats grondants et bruts de Swizz Beatz, Dame Grease, et P Killer, son rap a déferlé sur le game avec la vitesse destructrice et la force de frappe d’une bombe atomique.

Son héritage est aujourd’hui légendaire. A l’apogée de l’ère DMX, de 1998 à 2003, personne n’a rayonné plus que lui. Le public à la fois fasciné et effrayé par son personnage l’adulait. Parmi ses plus gros faits d’armes, il est le premier rappeur vivant à avoir obtenu deux albums de platine la même année avec ses deux premiers projets sortis en 1998, It’s Dark and Hell Is Hot et Flesh of My FleshBlood of My BloodCouronné en 2000 « meilleur artiste rap » aux American Music Awards, il est ensuite devenu le seul MC de l’époque à placer ses cinq premiers opus à la première place du Billboard.

La force commerciale du boss des Ruff Ryders puise son essence dans son étonnante capacité à faire des hits. Car en dépit de la noirceur de son âme, lorsqu’il rappait, il savait suffisamment lâcher prise pour  nous livrer des hymnes à la fois street et festifs. Ainsi donc, des titres comme « Party Up (Up in Here)« ,  « Where the Hood At? » ou encore « X Gon’ Give It to Ya » ont forgé sa légende et ont été des cartons massifs dans les charts, jusqu’à carrément devenir la bande son de toute une génération.

Le piège du diable se referme

Son histoire aurait pu bien finir, mais celui qui martelait : « J’ai vendu mon âme au diable et elle était bon marché »  ne pouvait que s’effondrer. Après le succès rocambolesque de ses cinq premiers disques, l’aura de DMX s’est progressivement essoufflée, signant dans le même temps la fin d’une époque. S’il n’a résolument pas quitté les studios, le rap lui procurant encore de véritables bouffées d’oxygène, ses albums suivants se vendent moins, les problèmes financiers s’accumulent et son combat contre ses addictions lui pompe énormément d’énergie. Passé par la case cure de désintoxication en 2002, 2017 et 2019, il ne se débarrassera finalement jamais de ses démons. Tous ces problèmes cumulés ne l’aideront malheureusement pas à remonter la pente.

Déjà victime d’une première crise cardiaque en février 2016 à la suite d’une violente crise d’asthme, c’est finalement la drogue qui aura eu raison de lui à l’âge précoce de 50 ans. Une fin tragique pour un homme qui, malgré qu’il ait souffert toute sa vie, n’a jamais perdu de vue sa quête de rédemption. Après un demi-siècle de lutte acharnée contre son destin, le diable avec qui il avait pactisé très jeune l’a finalement emporté.

Aujourd’hui DMX nous a quittés et le business posthume est déjà en marche. Le jour même de sa mort, son label Def Jam a publié deux nouveaux projets sur les plateformes de streaming. Dans la foulée, il a également été annoncé que le rappeur avait terminé d’enregistrer un album avant sa mort. Un opus déjà qualifié par Darrin Dean, le cofondateur de Ruff Ryders et acolyte de DMX, comme étant « un classique à ranger parmi ses meilleurs albums ».

Le discours d’intention est posé. Sans ouvrir le débat sur l’aspect moralement discutable des albums posthumes, il est évident que les fans se réjouiront d’entendre la voix de DMX une dernière fois. D’ici là, on espère que celui qui a vécu l’Enfer sur Terre de son vivant, trouvera au Paradis cette paix qu’il cherchait depuis si longtemps.

Mouv.fr

A propos Aboubacar

Journaliste et animateur radio. Directeur de Publication de ©Afroguinée Magazine, premier portail culturel et événementiel de Guinée-Conakry.

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