IAM a créé la surprise avec le succès de son récent album,Arts martiens. Après 25 ans de carrière, les MCs du Sud sortent un nouvel opus, six mois après leur grand retour. …IAM est-il le dernier album des rappeurs marseillais ? Le groupe au complet répond à cette interrogation, et à beaucoup d’autres questions.
RFI Musique : Certains pensent que … IAM sera votre dernier album.
Akhenaton : Durant les premières interviews pour Arts Martiens, on disait qu’on avait enregistré une quarantaine de titres. Tout le monde demandait ce qu’on allait faire des morceaux supplémentaires. Mais c’était lié au succès d’Arts martiens. Si nous nous étions plantés sur le premier volet, nous n’aurions jamais pu sortir le second. D’ailleurs, tu noteras que l’album se terminait par Dernier coup d’éclat. Tout ce qu’on sait, c’est qu’on ne sait pas. C’est pour ça que ce nouveau disque est labellisé avec des points de suspension…
Kheops : Mais ça n’est pas un dernier album de retraite.
C’est une fin de contrat avec Def Jam ?
Akhenaton : Honnêtement, on ne sait pas. Si nous ne sommes pas résignés derrière, ce sera compliqué pour le groupe de replonger en indépendant. Moi, ça fait dix ans que je suis indépendant. Je sais comment ça fonctionne et c’est très dur. Retourner en indé veut dire moins de clips, pas de moyens, moins de marketing. On te colle très vite l’image de la « loose », sans que tu le veuilles. Donc, il y aura un autre album d’IAM si plein de conditions sont réunies, et vu l’état du marché du disque aujourd’hui, si elles le sont, c’est un miracle.
Kheops : Là, c’est le dernier album sur une major pour le moment.
Akhenaton : Entre nous, il y a quand même des chances, hein. Ça ne veut pas dire qu’on arrête les concerts ou qu’on dissout le groupe. Heureusement, ça s’est super bien passé avec Def Jam, mais nos deux disques précédents avaient été faits dans la souffrance, ça a été pénible. Ni moi ni les autres membres du groupe ne sommes prêts à revivre ça. On n’a plus faim comme un groupe qui a vingt ans. Tu ne peux pas nous redemander de porter des fardeaux. Il faut en faire dix fois plus qu’avant pour arriver au même résultat qu’à la fin des années 1990.
Avec près de 100.000 ventes, vous faites plus, après 25 ans de carrière, qu’un artiste comme La Fouine, qui a une grosse visibilité…
Akhenaton : C’est incroyable pour nous parce que ça veut dire qu’on a un public de fond qui nous suit, et ça n’est pas un public d’enfants. Il y a des jeunes, mais pour arriver à toucher tous ces gens-là il faut des moyens marketing plus élevés.
Vous avez beaucoup changé pendant tout ce temps ?
Akhenaton : Nous nous sommes détachés de tas d’enjeux. On se fait plaisir, on fait des clips, on rigole, on passe des journées ensemble, on fait des concerts. Il y a eu de la dispersion, mais ça correspond à la vie. Le changement du marché du disque a été difficilement lu par les membres du groupe. Moi, il y a des choses que je ne capte pas.
Vous avez composé deux titres entre Arts Martiens et … IAM, Renaissance et Si j’avais 20 Ans.
Kheops : On aurait du faire Quand j’aurai 20 ans pour un autre public.
Akhenaton : C’est marrant parce que cette vision-là, on ne peut l’écrire qu’à 40, 45 ans. Ce morceau résume bien l’état d’esprit du groupe.
On pense au titre de Lunatic, Pas de temps pour les regrets…
Akhenaton : C’est cousin parce qu’on n’a pas de regrets. On est fiers de notre parcours.
Le titre CQFD, on l’imagine sur scène…
Akhenaton : Il y sera. Ça fait écho à tous les débats récurrents sur la violence dans la culture des quartiers. Quand je regarde les actualités, ça ne peut être que comme ça. La société est violente, mais ça n’est pas que de la violence physique. On parle de crise, ça nous fait rire : le nombre de millionnaires en France n’arrête pas d’augmenter ! C’est une crise qui est planifiée. C’est l’inverse de Robin des Bois : on prend aux pauvres pour donner aux riches. Quand on rentre dans ce système-là, ça donne des trucs pas terribles dans les urnes, à l’arrivée.
Comment écrire le morceau sur internet, Peines Profondes, sans passer pour des donneurs de leçons ?
Shurik’n : Comme d’habitude, l’instru indique le sujet. Là, l’angle d’attaque c’est la description d’un mécanisme. L’enfant en arrive là parce qu’il est acculé. On a tous des enfants, c’est facile de faire le parallèle avec ce qui se passe dans les actualités.
Akhenaton : Dans le collège de mon fils, j’ai vu la police débarquer suite à des histoires de moquerie et de brimades sur Facebook. C’est quelque chose qui existe. Les réseaux sociaux, c’est génial pour communiquer, mais ça peut être destructeur parce que ça recrée une hiérarchie de gens in et out.
Shurik’n : Et c’est dur d’apprendre à nos enfants d’avoir de la distance par rapport à ça. De plus en plus dur.
Quel souvenir gardez-vous d’Urban Peace 3, le concert au Stade de France en septembre dernier ?
Imhotep : La critique que j’ai beaucoup aimée, c’est « IAM on dirait un cours de français, il y a trop de mots« . Pour nous, c’est le plus beau des compliments. Quand le mec s’aperçoit que subitement, dans son vocabulaire, il peut utiliser plus de 25 mots, je pense que c’est un pas énorme pour l’humanité. Ce que les profs de français n’ont pas réussi à faire en trente ans, on y est arrivé en 45 minutes !
IAM … IAM (Def Jam France/Universal Music) 2013
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