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Le cœur battant de Sandra Nkaké

Avec Scars, la Franco-Camerounaise Sandra Nkaké livre un quatrième album bouleversant et magnétique. Une invitation, rock et folk, à célébrer la vie et la voix des femmes.

Il y a quelque chose de joyeux à rencontrer Sandra Nkaké dans les locaux de Pias, sa maison de disque. Parce que Scars est un disque splendide et entêtant. Mais aussi parce que la chanteuse au sourire lumineux est pleine d’une énergie communicative.

Scars (« Cicatrices ») est un album, dont l’écoute émouvante– 11 morceaux, en français, anglais et en douala- ne laisse pas indemne. « On a un corps et un esprit fantastiques pour se réparer. J’espère que les personnes qui l’écouteront auront la force de trouver en elles les ressources dont elles disposent. Scars raconte une vie de lutte, mais aussi de la joie, de l’union, de l’entraide et du partage », nous explique en préambule Sandra Nkaké.

Ainsi, en compagnie du talentueux flûtiste Jî Drû, avec qui elle collabore depuis quinze ans, et qui cosigne les chansons, Sandra Nkaké a-t-elle rassemblé ce qui la « constitue », à savoir de l’énergie, des blessures, un sens du rythme prodigieux et une voix incomparable à laquelle elle rend hommage (La voix éraillée) tout en l’entraînant sur de nouveaux chemins qui lui réussissent.

« Pendant longtemps, je parlais avec une voix très détimbrée. C’était une façon de protéger un endroit de fragilité, nous dit-elle. Après le long temps de guérison, j’ai accepté que j’étais faite de failles, de tendresse et de lenteur. Cela a permis de laisser la voix tranquille. Ici, elle n’est pas que grave, rauque et puissante ».

Failles et blessures

Pour Scars, Sandra Nkaké s’est isolée une semaine avec Jî Drû, à Amiens, dans le Nord de la France. « J’ai commencé à faire une liste de ce qui me constitue. En premier, il y avait que je me définissais comme féminin, noire avec une voix éraillée qui a vécu des violences, mais qui a envie de partager de la joie ».

On imagine que ses failles et ses blessures sont profondes. « Chanter m’a sauvée de la folie, d’être submergée par la douleur des violences que j’ai subies dans l’enfance, l’adolescence et un peu plus tard, dans la vie d’adulte », nous confie-t-elle.

Ces douleurs, elle les évoque subtilement dans le titre rock et blues Under My Skin. Mais à l’heure où d’autres en feraient leur miel, Sandra Nkaké se distingue par son élégance. Elle ne s’appesantit jamais. Une chanson pulsionnelle et dansante telle que My Heart, pleine de soul, l’illustre. « Pain won’t break me down/ Rage won’t be my guide » (« La douleur ne me brisera pas/ Et la colère ne sera pas mon guide »). Tout comme le très rock Singing Leaves. Intime, mais généreux avant tout, l’entêtant Scars est tourné vers les autres. Et en particulier les femmes.

Sororité

Fidèle à son cœur, Sandra Nkaké l’est aussi à ses « sœurs ». Des militantes, des chanteuses (comme son amie L.) ou des poétesses auxquelles elle dédie Sisters. Une déambulation romantique où elle célèbre la sororité et rend hommage à celles qui lui donnent de la force pour avancer.

Cette force, on la retrouve dans Rising-Up« C’est comme si je faisais mon propre appel à la manif ! (elle éclate de rire) C’est ne pas attendre qu’on nous valide pour dire qu’on en a marre d’être invisibilisées. J’ai pris le biais de différents métiers (informaticiennes, agricultrices, chirurgiennes, chercheuses, astronautes, professeures, NDLR) pour dire que les humains assignés au féminin sont des humains ».

Quant à Nos voix, qu’elle interprète en partie a capella, c’est un hommage bouleversant adressé à Nina Simone qu’elle écoute depuis l’enfance. « C’est une façon de lui rendre tout ce qu’elle m’a donné. J’espérais que cette chanson, en traversant les espaces, atteindrait la dimension dans laquelle elle se trouve et que cela lui ferait du bien ».

Les Américaines Abbey Lincoln et Tracy Chapman ainsi que l’Anglaise Laura Marling sont également importantes pour Sandra Nkaké, davantage fascinée par les trajectoires que par les capacités vocales. « Elles utilisent leurs voix pour raconter la façon dont le monde les impacte et comment elles aimeraient le changer. Ce sont des totems ».

Tout comme ses meilleures amies, ses « piliers », nous dit-elle, qu’elle a rencontrées lorsque sa famille, venue du Cameroun, s’est installée en France. Ainsi ce sont deux des personnages de Trois feuilles, une ballade envoutante, sur laquelle la flûte veloutée de Jî Drû, qui épouse si bien sa voix, est particulièrement poignante. Elle y chante qu’elles « portent en elles le printemps comme unique devise ».

Hommage au Cameroun natal

Une légèreté qui sied bien à la sensible Sandra Nkaké. Qui n’oublie pas d’où elle vient. Car les compositions de Scars sont aussi tintées de sonorités africaines. Particulièrement dédie-t-elle Terre rouge, qu’elle interprète en français et en douala, à sa terre natale qui, dit-elle, résonne en elle « de manière très douce et très simple ».

Sandra Nkaké voulait chanter en douala sur Scars. Une langue qu’elle ne parle pas, ayant été élevée, au Cameroun, dans la culture française. Alors elle s’est emparée d’un dictionnaire pour l’écrire « J’ai mis du temps à accepter que ce fût une blessure. Et que j’étais la seule à pouvoir la réparer sans m’en vouloir. Je peux l’apprendre, ça grandira, la connexion est là ».

Ce qui fascine surtout cette artiste curieuse des autres, c’est le destin incroyable de son grand-père, parti d’un petit village camerounais sans infrastructure, devenu danseur dans le ballet national du Cameroun, qui a voyagé en Europe. Un long parcours générationnel jusqu’à elle, chanteuse indépendante, productrice et compositrice.

Terre rouge dessine aussi une réponse à la question récurrente de son africanité, qu’elle trouve intime. « Elle est là », résume-t-elle avant de nous raconter avec émotion son dernier voyage en automne. « On y a été nourri de tant d’amour et de force ! ça nous rappelle que la beauté et la force se trouvent dans des choses très simples ».

Sandra Nkaké Scars (Pias) 2023
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En concert :

22 avril : Bourges  (Le Printemps de Bourges)
25 avril : Strasbourg (Espace Django)
1 & 2 mai : Tokyo (South Hall)
3 mai : Kyoto (Festival Kyotorama)
11 mai : Toulouse (Salle Nougaro)
18 mai : Countances (Jazz sous les Pommiers)
15 juin : Paris (Café de la danse)
28 juin  : Rochefort (Festival Sœurs Jumelles)

Par : Marjorie Bertin

Source : RFI MUSIQUE

A propos Aboubacar

Journaliste et animateur radio. Directeur de Publication de ©Afroguinée Magazine, premier portail culturel et événementiel de Guinée-Conakry.

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