A tort comme à raison, les rappeurs sont considérés comme les descendants directs des poètes. La sélection de « Marianne » ravive quelques joyaux d’un genre musical où la médiocrité côtoie l’excellence. De Booba à SCH, en passant par Oxmo Puccino, Akhenaton, Shurik’n, NTM… tour d’horizon du meilleur de la rime quand elle sert la langue française.
BOOBA – MA DEFINITION
Un cliquetis, prélude à une claque, d’ordre verbale. Un bruit court dans la nuit. Les portiques se referment tandis qu’un poème sombre comme l’hiver, par sa mélancolie, et lumineux comme juillet, par son phrasé, s’ouvre. Un poème en forme de course-poursuite. Dans ce demi-jour, commence Booba, « on y pousse un peu de travers ». « Ma jeunesse à la couleur des trains » continue-t-il, pourchassant sa comparaison. Le train du verbe défile. Les images fulgurent, bolides lancés à vive allure. Une véritable pluie d’étoiles filantes.
Ce n’est pas le bleu endurant du ciel de la Méditerranée, mais le gris peu grisant du RER C qui brille et brûle l’espoir ici. La jeunesse, reconnaît le rappeur, ne connaît rien mais veut tout prendre. La rue « conseille » tandis que la juge « console », elle « t’élève » au même titre qu’elle te « tue ». Grandir le long de cette voie ferrée triste comme un enfant seul ou une gare abandonnée, c’est « pousser comme une ortie parmi les roses ».
Dans une déclaration prophétique, annonciatrice de sa fortune aussi bien musicale que financière, il profère sa préférence : « À force de me plaindre, j’attends plus l’argent, je vais le prendre / Dérivé trop jeune, je peux plus redescendre / Et j’essaie de pas être en chien de janvier à décembre ». Métaphore filée ou pas, allitération, hyperbole, allégorie, personnification, métonymie, synecdoque, antithèse, analogie ou encore périphrase… Baudelaire, on le sait, est un des meilleurs serviteurs qui soit de la langue française.
Penchons-nous un peu encore. Nous découvrirons, ce que linguistes et écrivains ont déjà repéré, que Booba, qu’il dise la saleté, la démesure (dont il est d’ailleurs un modèle) et les saignements de son siècle depuis un studio ou son sofa de Miami, est dans les tous les cas un parfait professeur de spleen et des figures de style ! On ne dira jamais assez, pour le meilleur aussi bien que pour le pire, combien et comment le rap perpétue, tord, mord, renouvelle, aime d’un amour inquiétant mais sincère les plus anciens principes de notre langue. Booba écrit des vers libres comme un chien déchaîné contre son maître. Il dévore sa muselière. C’est un poète malgré tout et même malgré lui. Intuitif, presque involontaire… Il n’est en pas moins assurément poète et pas du genre maudit.
S’il fascine, depuis les tours des Hauts-de-Seine jusqu’aux pages de la Nouvelle Revue Française (NRD), c’est qu’il réunit, réunion dès le départ flagrante, irrésistible, entre la poésie et l’excès. Comme on le dirait de tout autre prosateur un peu méritant, il a trouvé sa voix, qui n’a rien à voir avec le flow, plutôt monotone voire monocorde du reste. Voilà une poétique qui soulève de la fonte à la salle ! Elle bombe le torse, jamais ne s’essouffle. La force des images, la façon dont la phrase se brise, sa facilité à tout se faire s’entrechoquer, le duel métaphorique auquel on assiste à l’intérieur de chaque mesure, font que ce timbre est tout à fait unique. Sa définition ? « Des textes à prendre à 1 degré 5 » !
Citation : « Je suis obscur, dors d’un oeil comme un missile scud / Je suis pas le bienvenu mais je suis là. »
AKHENATON – MON TEXTE, LE SAVON
Marseille n’est pas seulement la capitale du savon, c’est une contrée depuis longtemps incontournable du son, le rap français y tenant salon. Plus que cela, outre que la cité phocéenne n’a rien à envier à sa rivale (Paris), les rimeurs locaux y ont enregistré parmi les plus beaux textes, les compositions parmi les plus savantes sont régulièrement parties d’ici. Grâce au concours, notamment, de l’architecte sonore Kheops. Ainsi de la partition « Mon texte, le savon », qui rassemble dans son titre même deux visages du Sud, l’art de dire et la faculté de se souvenir. Le savon n’est-il pas produit depuis l’Antiquité ?
Le titre de l’album solo d’Akhenaton dont est issu le titre est d’ailleurs intitulé Sol invictus, soit « soleil invincible ». Camus, arpenteur de la Méditerranée, découvrait déjà au milieu de l’hiver un été demeuré en lui invincible. Reste que « Demain c’est loin, je l’ai dit, si j’le répète c’est mieux » réitère le rappeur, en écho à un chant (Demain c’est loin) qui court derrière l’injustice avec une rare justesse. Un cri de mots, une adresse au monde qui consacre l’asyndète et l’anadiplose. Maigreur et aigreur se répondent : « Là au milieu des parrains, j’ai vu plus de fric que dans Casino » raconte celui dont les poches trimballaient péniblement « 20 balles au p’tit Casino ».
Si Akhenaton vend des rimes comme des savons, sa fabrication est plus artisanale qu’industrielle. « Toutes ces années stériles, accroupi sur une rampe/ Comptant les secondes s’évaporant dans les pertes / Frontière mince, transparente, séparant les mecs biens, sincères, fiers, francs des embryons délinquants / Des gens brillants, combien s’en sortent ? / Combien regardent leur vie sous le briquet, vont en soirée sous escorte / On s’content des histoires de faits d’armes violents / On est loin des légendes sur le pays qui plaisaient à nos parents ». Le savon, comme le texte, exige un savoir-faire. Dans ce domaine, Philippe Fragione est passé maître. « Évacuer le fiel par la plume, je n’ai que ça dans le sang ». « Chill » aime les savants mélanges. Il chute comme il l’a toujours fait, en frottant trois ingrédients qui lavent l’âme : la rage, le rythme et la raison.
Citation « Ma rime je vends bleu, tout simplement à qui le veut / Et des jours de grand beau temps, au fond de ces yeux, il pleut. »
SHURIK’N – SI J’AVAIS SU
La voix de Shurik’n est un instrument tranchant. Le « flow » – manière de filer musicalement la rime, de s’y mouvoir et de s’y fondre – de ce samouraï d’origine malgache et réunionnaise est le plus pénétrant peut-être de l’hexagone. Chaque coup asséné marque la tempe, ainsi que ces étoiles lancées en direction de l’ennemi dans un art martial traditionnel japonais (shurikenjutsu) entaillent la peau. Le « beat » s’en souvient… Les cordes vocales : machine de guerre et arme de précision ici ! Sa voix grave et profonde coupe avec la netteté irréparable d’un sabre. Devenu référence, révérence et refrain. « Comme un bon vieux Kurosawa, la main sur le katana » martèle un de ses titres phares que les rides n’atteignent pas. Seigneur et soldat du micro donc.
C’est muni de cette verve, de son épée affûtée, qu’il déverse ses rimes comme on débonde son chagrin dans « Si j’avais su ». Une chanson qui sonne comme un concert de remords, un constat de regrets. Le réel est une remontée acide. Il refait surface après une nuit terrible, agitée, tempétueuse. A la télévision, une femme passe et pleure, s’excuse face caméra d’avoir volé « pour manger, mais c’était ça ou les sacs bleus sur le pavé ».
« Pas le temps ni la place pour se tourner / Alors on joue des drames à guichet fermé / Le mal compte ses licenciés » poursuit ce reporter du bitume qu’il arpente avec une plume. L’égo lui-même est « tranché au couteau ». La fierté ? « Le dernier rempart, / Le carburant, l’or noir ». Le bien partout perd du terrain. « L’envie, c’est comme un grain dans l’œil, / Seul les saints l’ôtent et, sereins, pensent à demain, / Dans un patelin infesté de requins. » Le sol sans cesse s’affaisse tandis que le malheur s’affaire. « Les jeunes perdent pied dans le purin. / Ça craint mais au sein d’un essaim le pouvoir est divin ».
On ne regarde plus le ventre des Kinder Surprise depuis « la nuit du premier délit », on dévisage l’ANPE, « tel un bourreau accueille les victimes, pauvres gogos, / Devenues inutiles tel un mannequin devenu trop gros ». Au final, l’esprit s’éteint, « comme les sourires le matin ». Le jour est fatigué.
C’est le Sud et le soleil pourtant faiblit. Les failles ont recouvert le feu de la jeunesse, cette herbe folle. « Délaissée, la vie d’un gosse ressemble à la flamme d’une bougie / Dans un courant d’air / Le cierge brûle. / Au nom du père, Les fils subsistent, / Tant bien que mal. / Et si il faut sévir, ainsi soit-il, / Un passant traîne, Que Dieu le bénisse ». Le mistral n’est pas toujours gagnant. Parabole du failli. « Certains appellent ça la poisse, d’autres appellent ça la vie ».
Citation : « Des cris résonnent dans l’estomac, / L’espoir passe le pas de la porte, / Le cœur plein d’ambitions, / Apporte un tigre dans les bras. »
MC SOLAAR – CAROLINE
1998. Terminus, tout le monde descend. Et applaudit. Année bénie ! Un air de paradis planait sur le pays. Pour le ballon rond certes, parmi le rap aussi. L’album paradisiaque d’un certain MC Solaar demeure un des plus solaires jamais écrits. Il retient le soleil, la nostalgie. Rarement un rappeur aura aussi fougueusement déclaré sa flamme à une culture musicale enfantée (notamment) par le blues, à une femme. Caroline, mais aussi Paradisiaque, Gangster moderne, Les temps changent… MC Solaar court sur le tempo avec une décontraction insolente, contagieuse. Ce conteur de la ville rappait-il depuis les toits ?
L’album Paradisiaque est celui, avec le culminant L’école du micro du micro d’argent de ses compères marseillais, qui a sans doute le mieux vieilli dans ce genre qui supporte moins bien que d’autres l’effet des années. Si les rimes, à y regarder de près, apparaissent inégales, pauvres… il fut peut-être le premier, en France, à avoir glissé l’esprit des vers libres dans un « beat » : il y a une prose des temps modernes dans Quand le soleil devient froid et un souffle jazz entêtant dans Le nouveau western (extrait du précédent album, Prose combat). « Si le rap excelle, le jazz en est l’étincelle ».
L’Académie française ne s’y est pas trompée, décernant cette même année le trophée de la chanson française à Claude Honoré M’Barali. Comme la drogue consommée trop pure, les histoires d’amour parfois finissent mal. Qui se cache derrière ce prénom à l’allure de rose ou d’ortie, Caroline ? « Vitamine » et « amphétamine », « dame » et « came ». Personnification d’une addiction ou Bérénice des temps modernes ? « Elle était ma drogue, ma dope, ma coke, mon crack » égrène le rappeur dans son petit inventaire à la Prévert. S’agissant des affaires du coeur, la prudence ne prémunit de rien.
Point de départ, un banc, au printemps. L’amour est un jeu (« Je suis l’as de trèfle qui pique ton cœur »), une danse légère, celle du désir (« Je repense à elle, à nous, nos cornets vanille /A sa boulimie de fraises, de framboises, de myrtilles /A ses délires futiles, à son style pacotille ») qui n’a pas encore basculé du côté obscur. Du côté de la haine, de la jalousie.
« Elle est partie, maso /Avec un vieux macho / Qu’elle avait rencontré dans une station de métro / Quand je les vois main dans la main fumant le même mégot /Je sens un pincement dans son cœur, mais elle n’ose dire un mot ». La passion est une cigarette allumée trop vite et mal éteinte. Elle laisse au fond de la gorge et de l’âme un goût de cendres. Si le présent était un parfum, il sentirait le regret. « Remets donc le film à l’envers, magnéto de la vie (…) Je suis passé pour être présent dans ton futur / La vie est un jeu d’cartes / Paris un casino ». Mais qui sème l’amour récolte la poésie.
Citation : « Ils cueillent une marguerite, ce sont deux amants / Overdose de douceur, ils jouent comme des enfants / Je t’aime un peu, beaucoup, à la folie, passionnément / Mais à la suite d’une douloureuse déception sentimentale / D’humeur chaleureuse je devenais brutal / La haine d’un être n’est pas dans nos prérogatives / Tchernobyl, tcherno-débile ! Jalousie radio-active / Caroline était une amie, une superbe fille. »
SCH – A7
Le renouveau passe désormais par Aubagne, aussi sûrement que la « A7 » mène à Marseille. L’aube du rap français est plus claire depuis que ce phraseur singulier et sombre s’est levé. L’autoroute donne d’ailleurs son nom à un titre phare du répertoire de celui rassemblé dans trois lettres, SCH, initiales dues à son premier alias « Schneider », dérivé peut-être de son nom de famille « Schwarzer » qui signale une lointaine descendance allemande. C’est plutôt l’Italie qui parle dans ses chansons : celle qui chante comme celle qui saigne. A force de rêver ce versant, d’admirer ce pays, de cultiver son imaginaire, d’être contaminé par Al Pacino, SCH est devenu le parrain… de la rime.
De la rage cousue avec du fil d’or. Les mots, ici, sont comme une masse mystérieuse dont le déchiffrement est un défi. Les références se superposent. Tout se chevauche : le nouveau monde et l’ancien, le glorieux et l’immonde, le bitume et le luxe. Il est le fruit et l’enfant d’une époque pour qui « Hier est un acquis / Personne ne m’a promis demain ». En matière d’art, Julien croit à l’anarchie et ne craint pas la schizophrénie. Le réel s’infiltre partout, il incruste la rime, épine plantée dans le pied. SCH est à la fois le rat et le roi de la ville : il en connaît les méandres et la majesté, sinue entre la rue et le rooftop.
Ainsi navigue-t-il entre la virilité et l’hyper-sensibilité, le trottoir et les sommets, l’arrogance et l’humilité, la cave et le ciel, que la mort dans ses chansons souvent mord. A y regarder de près, il y a du tragique, digéré par la fiction, chez ce cracheur de feu. SCH est pareil à Marseille dont il vient, (joyeusement) brouillon et (terriblement) brûlant. En crachant ses tripes, il vomit parfois de l’or. Comme si une flamme venue de l’enfer paradait au paradis. Il est la proie du vent. Le produit d’un mistral tiraillé entre le fusil et la pharmacie.
Citation « Ici tout l’monde veut mourir riche pour s’payer l’plaisir de partir en paix / On finira du plomb plein la Tassimo / Cono, jamais tu nous verras ramper. »
OXMO PUCCINO – ENFANT SEUL
Avant d’être le rappeur favori des « bobos », Oxmo Puccino était surtout connu des amateurs de rap underground, grâce au collectif Time Bomb. Contrairement à beaucoup de ses compères, tous plus talentueux les uns que les autres, le « Black Jacques Brel » réussit avec brio son passage en studio. Vingt-deux ans après sa sortie, Opéra Puccino demeure un classique incontournable du rap français. « l’enfant seul » réussit l’exploit de sortir du lot, parmi les dix-huit morceaux de cet album sans fausse note. La recette est simple et efficace : une diction inimitable, une écriture poétique, une mélodie à la frontière entre rap et chanson française et enfin un sujet universel, à savoir la solitude et la perte de repères.
Citation : « T’es comme une bougie qu’on a oublié d’éteindre dans une chambre vide / Tu brilles entouré d’gens sombres voulant t’souffler / Celui qui a le moins de jouets, le moins de chouchous, celui qu’on fait chier / Le cœur meurtri, meurtrière est ta jalousie. »
ÄRSENIK – BOXE AVEC LES MOTS
Fin des années 1990, pendant que les connaisseurs n’ont d’yeux que pour Time Bomb, le grand public a le regard tourné vers le Val-d’Oise, et plus particulièrement vers Garges-lès-Gonesse, sarcelles et Villiers-le-Bel. Tiré par Passi, Stomy Bugsy et Doc Gynéco, les membres du Secteur A caracolent en tête des charts. Lino n’est pas forcément le plus médiatique du collectif, mais est sans l’ombre d’un doute le plus talentueux. Avec son frère Calbo, l’artiste marque à jamais le rap français avec quelques gouttes suffisent… A peine l’introduction terminée, les « frères crocodiles » annoncent la couleur avec « boxe avec les mots », qui est également remixé en fin d’album, les MCs enchaînent les rimes comme Mike Tyson enchaînait les coups de poings, avec une efficacité terrible, sur un beat qui cogne et un sample du « magnificat » de Jean-Sébastien Bach.
Citation : « Rappe les barreaux d’prison, si t’enfermes l’expression orale. Nique la morale, le rap est sous pression quand lino râle. »
NTM – THAT’S MY PEOPLE
Ce n’est guère un secret pour personne, à l’aube de l’an 2000 pour NTM, c’est « plus le même deal ». Le groupe est proche de la fin. Kool Shen et Joey Starr, qui ont atteint le statut de superstars et d’ennemis publics, ne se parlent presque plus. L’alchimie des débuts n’est plus. Pourtant, c’est dans ces conditions qu’ils réussissent à enregistrer leur meilleur album. Alors que « Ma Benz » tourne en boucle sur les radios, « That’s my people » bouleverse les amateurs de hip hop. Sur un beat lent et un sample de Chopin, Kool Shen nous décrit sa mélancolie. Un bel hymne funéraire pour le groupe.
Citation : « A part fumer des spliffs, mon premier kif, c’est de chiller / rester tranquille au sein des miens, me laisser aller / à déballer des conneries, parler juste pour parler / refaire le monde avec notre vision décalée / on est des fous bloqués dans des cages d’escaliers / pris en otages par le nombre élevé de paliers. »
LE VRAI BEN – L’HOMME POSTMODERNE
C’est l’histoire d’un mec qui compte abandonner le rap et organise son « suicide commercial ». Un an avant de se lancer dans la chanson française sous son vrai nom, Benjamin Paulin règle ses comptes avec un milieu qui n’a pas su l’apprécier à son juste talent et plus largement avec une société dans laquelle il est de plus en plus dur de trouver sa place. Suite de « l’homme moderne », présent sur l’album de son groupe puzzle, « l’homme postmoderne ». Pendant plus de sept minutes, l’artiste dissèque avec justesse notre société, marquée par le relativisme, la bêtise et le conformisme.
Citation : « Je suis l’homme postmoderne, en d’autres termes / une sorte de mélange de tout c’qui traîne / écolo en Nike air, homme d’affaires, artiste / un altermondialiste qui rêve de percer en Amérique / je suis l’homme unique… mais pas trop/ je suis tout ce qu’il y a de plus banal, au milieu du troupeau. »
LUCIO BUKOWSKI – OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE
Produit par Tcheep « Obsolescence programmée » reflète parfaitement le MC épris de littérature, de poésie et de philosophie politique, qui compte parmi ses références Dostoïevski, René Char, George Orwell, Kropotkine, René Guénon, Michéa et surtout Louis Calaferte, Lucio Bukowski s’est affirmé comme l’une des meilleures plumes du rap français des années 2010. Tout au long du morceau, Lucio promène son spleen et nous décrit son dégoût de la société contemporaine, avec humour (« l’évolution, c’est passer de Socrate à BHL »).
Citation : « Vous haïssez la liberté parce qu’elle se mérite/ vous préférez des barres chocolatées, les chaînes débiles / morceaux de néant sous des voiles de chair / seul internet vous sépare de l’étoile de mer. »
LE MEILLEUR FREESTYLE DU RAP FRANCAIS (BONUS)
Le label français Time Bomb, créé en 1995 par DJ Mars et DJ Sek, est au rap hexagonal ce que Blue Note fut au jazz tout juste naissant : indépendant, dénicheur des oiseaux les plus drôles et doués, défricheur modeste de personnalités fortes, exceptionnelles, mémorables. On doit à ce moteur musical rien de moins que la découverte et l’existence musicales des rappeurs les plus habiles de notre pays. Lunatic, Oxmo Puccino, Rocé, Kery James, La Rumeur ou plus récemment Boomer sont autant de collaborateurs prestigieux, d’ambassadeurs incontournables que la maison aura accueilli. Cette diversité prodigieuse est toute entière réunie dans ce « freestyle » dont la France est pourtant peu friande. Nos meilleurs rappeurs, enfants du verbe, de la révolte, ramassent quelques rimes qu’ils déposent tour à tour dans un beau jardin bigarré.
Citation : « Ici appelle moi Kevin Costner, j’danse avec les loups / Je fraye un chemin, j’écarte les ronces / Pour que mes gars puissent passer. »