Pas facile de vivre de son art en Guinée ! Derrière quelques locomotives à grand succès, il faut bien dire que pas mal d’artistes guinéens ont du mal à joindre les deux bouts que sa soit en fin de carrière ou même parfois en activité. Ils sont plus habitués à lancer des SOS qu’à se prendre en charge en cas de maladie compliquée.
Des artistes guinéens de renom, les plus connus à l’extérieur du pays, comme par exemple Sékouba Bambino, Moh Kouyaté, N’Faly Kouyaté, ou encore feu Mory Kanté pour ne citer que ceux là ne connaissent pas les fins de mois difficiles. Et pour ceux qui sont au pays, qu’ils soient acteurs, humoristes, musiciens, chanteurs ou mannequin, la réalité est très différente. En effet, leur précarité est mise à la place publique dès qu’ils tombent gravement malade.
Les derniers cas en date sont ceux de Alpha Oumar Ly Bah, plus connu sous le nom d’Alpha’ O et du célèbre musicien Ansoumane Camara connu avec le surnom “Petit Condé”. Le premier souffrirait d’une tuberculose aiguë et a lancé un SOS depuis son lit de malade à Ignace Deen. Pourtant, avec sa maison de couture, il représente et vend bien le textile guinéen à travers des grands podiums africains. Mérite-t-il cette forme d’humiliation ? La question mérite d’être posée.
Le second “Petit Condé”, auteur compositeur, arrangeur et musicien chevronné qui a ses notes de guitares sur un nombre incalculable d’albums réalisés en Guinée, est alité dans le même hôpital et aurait urgemment besoin d’être évacué. A ce niveau, le gouvernement serait venu à la rescousse, il est bien loti.
Bien avant, feue Kadé Diawara est décédée récemment dans l’extrême pauvreté. Et que dire de Jeanne Macaulay, pionnière de notre culture avec les Ballets Africains de Guinée qui vivote comme elle peut… La liste est longue !
En Guinée, des artistes ont souvent des contrats précaires et avec des charges familiales, certains n’ont aucun revenu sans leur art. Conséquence : ils se livrent à la mendicité pour se tirer d’affaire quand la célébrité s’estompe. Dommage ! Alors qu’ils pouvaient vivre de leur art si et seulement si chaque chaîne de l’industrie culturelle jouait pleinement son rôle. La Guinée fait partie des rares pays où les droits d’auteurs et autres royalties sont foulés au sol et ne représentent rien pour la survie des artistes.
Une des raisons (ce n’est pas la seule ) c’est aussi la non application de la politique culturelle du pays. Ce document de 150 pages, devrait servir désormais de guide pour les acteurs culturels en faveur de la promotion du riche et varié patrimoine culturel du pays. Mais malheureusement, tout y est sauf la pérennisation des industries créatives comme un moyen de ressources pour les acteurs culturels. L’Etat est quasi absent à ce niveau.
La nouvelle génération ne compte pas sur l’Etat…
Des artistes de la nouvelle génération ne veulent pas tomber dans la « mendicité » après leur carrière. De nos jours, ils sont nombreux à préparer leur vie post-artiste en entreprenant. C’est le cas notamment de Fish Killer qui s’est créé une petite entreprise de pêche » Souadou Pêche. Son binôme Lil Sacko, possède une boite de nuit ( POwer Night Club ) en haute banlieue de Conakry.
Singleton s’investit dans l’agriculture dans une plantation à Forécariah, tandis que Oudy 1er est à la tête d’un studio d’enregistrement de dernière génération. Takana Zion avec son complexe touristique Zion City a su créer son propre business loin de Conakry. Nombreux autres artistes de musique urbaine ont monté des labels de production pour être à l’abris des besoins précaires. Des exemples à suivre pour ne pas finir en tirant le diable par la queue !
Par Mohamed Komah, Correspondant à Conakry
AFROGUINÉE