Houria Aïchi, Angélique Kidjo et Séna Dagadu : ces trois chanteuses aux univers très différents étaient réunies, sous le titre Eves d’Afrique, sur la scène d’Africajarc, le festival des cultures africaines de Cajarc (sud-ouest de la France). Résultat : une soirée d’exception !
Le temps était maussade ce vendredi 25 juillet pour l’ouverture musicale de la seizième édition d’Africajarc. Mais sur la grande scène, la chaleur des musiques africaines a vite rayonné, venant réchauffer un public un peu clairsemé par les pluies de la journée.
Ce fut d’abord Houria Aïchi et sa « poésie populaire chantée ». Née dans les Aurès où elle grandit avant de venir faire ses études en France, où elle vit aujourd’hui, cette Algérienne s’inscrit dans la tradition de « trois ou quatre générations de femmes qui chantent et transmettent le répertoire ».
Ce répertoire, c’est celui des chants chaoui (langue berbère des Aurès) dont Houria Aïchi respecte à la lettre les canons, tout en chantant également en arabe certains titres devenus traditionnels dans toute l’Algérie et au-delà, en Tunisie voisine notamment. « Mon art, explique l’artiste, est une recherche autour des textes en forme de poèmes chantés. »
Tout au long de son parcours animé du désir d’être « vivace dans ses racines », Houria Aïchi a acquis la conviction que son patrimoine est « marqué par les notes d’une Afrique profonde », juste au-delà du Sahara, les notes qui ont irrigué la soul et le jazz…
Ainsi, la « poésie populaire chantée » d’Houria Aïchi et sa voix profonde scintillent d’autant plus qu’elles se déploient dans l’écrin musical du quintet instrumental Hijâz Car, originaire de Strasbourg, qui rassemble cinq virtuoses : Grégory Dargent (oud), Étienne Gruel (percus), Jean-Louis Marchand (clarinette basse), Vincent Posty (contrebasse) et Nicolas Beck (tahru, entre la vielle d’Orient et le violoncelle occidental).
Angélique Kidjo, la militante
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Puis ce fut au tour d’Angélique Kidjo : la chanteuse béninoise, qui vit désormais à New York, a interprété les titres de son dernier album, Eve, ainsi que les succès qui jalonnent sa carrière, avec le talent et l’énergie communicative qu’on lui connait. Mais elle a surtout beaucoup interpellé le public sur les sujets qui lui tiennent à cœur : l’éducation des filles, qui contribue, « c’est prouvé, au développement, car dans les pays où les filles sont éduquées le PIB augmente », les violences domestiques que l’on peut éradiquer « si chacun explique à son frère, à son fils, à son père, que lever la main sur une femme ne le grandit pas ».
Une préoccupation globale pour les femmes qui n’a pas surpris les festivaliers qui avaient, quelques heures auparavant, pu voir (ou revoir) le documentaire que Pascal Signolet lui a consacré en 1997, Angélique Kidjo, l’amazone. Tourné à l’occasion du retour à Ouidah, sa ville natale, on y découvre une Angélique Kidjo ancrée tout à la fois, dans le culte vaudou et dans une société matriarcale, admirative des femmes béninoises, à commencer par sa grand-mère qui fut la première à faire le commerce des tissus, jusque-là réservé aux hommes…
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Troisième femme à occuper la scène africajarcoise,
Séna Dagadu, née à Accra d’une mère hongroise et d’un père ghanéen, fut la belle surprise de la soirée. Une voix puissante, une présence scénique généreuse qui n’est pas sans rappeler, par moments, une certaine… Tina Turner, et un répertoire des plus éclectiques passant sans complexe du funk au blues, de la soul à l’électro, le tout sur un rythme groovy entraînant…
Artiste autodidacte, elle s’adresse au public dans un mélange d’anglais et de français, et lui raconte notamment qu’à ceux qui demandent pourquoi elle joue de tant de styles différents, elle répond : « Mais parce que je les aime tous ! » Séna Dagadu, un cocktail des plus rafraîchissants !
A écouter : Régine Lacan, directrice d’Africajarc, dans l’Invité Culture de RFI
(25/07/2014)
Site officiel du festival Africajarc
Site officiel d’Angélique Kidjo
Site officiel de Séna Dagadu
Par Ariane Poissonnier /www.rfimusic.com