On arrête, condamne des innocents, acquitte certains, protège d’autres, et finalement tout le monde tourne la page. C’était une sorte de « malentendu ». Le système est désolé. Malick Kébé et Ablaye Mbaye, le système est « sincèrement » désolé mais les autorités sont intouchables donc il fallait trouver des « coupables ». Et ceux qui ont perdu la vie dans ce drame ? « C’est du déjà vécu ! le monde ne s’arrêtera pas à cause de cet ‘’incident’’ » murmure-t-on dans certains milieux. Vous avez pensé à leurs familles ? A la sécurité des citoyens que vous êtes censés assurer ? A cette jeunesse qui ne demandait que des espaces culturels pour se divertir et non pas pour mourir ? Non ! Je pense que notre société guinéenne est profondément malade. La vie humaine n’a aucune valeur et l’amnésie collective est patente. Il suffit simplement de gérer la courte période d’émotion et le peuple oubliera très vite cet ‘’incident’’. Nos gouvernants usent et en abusent de cette décadence des valeurs dans notre société.
Inutile de le rappeler mais tous nous évaluons le degré de corruption dans l’administration guinéenne. Vous voulez organiser un concert dans un cimetière entre les tombes ? Vous trouverez toujours un fonctionnaire ou un élu local prêt à vous dire que c’est possible. Il suffit juste de payer le prix. C’est une gangrène administrative où le service public est devenu une prestation privée. 33 jeunes perdent leur vie parce qu’un gouverneur, un maire, un chef de quartier, un responsable des services de sécurité ont directement ou indirectement perçu leur part dans cette corruption meurtrière. Mais avec leur statut de « citoyen supérieur », on ne trouvera jamais de preuves parce qu’on ne cherchera jamais.
« Alors faisons du Drame de Rogbané un spectacle après le spectacle » trament-ils. Et rien de plus « parfait » et « spectaculaire » que l’arrestation, l’emprisonnement et la condamnation de célébrités du spectacle dont leur seul crime était de redonner de la joie dans la vie des jeunes guinéens. Malick kébé et Ablaye Mbaye présentaient le profil idéal pour cette entreprise de dissimulation et d’injustice. Par le caractère arbitraire et injuste de ces arrestations et emprisonnements, les planificateurs d’une telle ignominie savaient que les revendications pour exiger la vérité sur le Drame de Rogbané allaient prendre une autre tournure.
Désormais, les populations font face à deux drames : Rogbané d’un côté, Malick Kébé et Ablaye M’baye de l’autre côté. La machine de manipulation est bien enclenchée là et les vrais responsables restent intouchables. Mais jusqu’à quand ? Pour reprendre l’expression reprise par un poulain du même Malick Kébé dans une chanson rap : « Tout passe et rien ne demeure ».
Bien dommage et inacceptable que la jeunesse guinéenne reste toujours sevrée de joie, et cela, depuis plusieurs décades.
Sékou Chérif Diallo
Sociologue/Journaliste