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Kalash Criminel, problématique rapologique

Le rappeur Kalash Criminel

Interview – Un album offensif et chargé en punchlines et des invités prestigieux : c’est le retour de Kalash Criminel, le rappeur cagoulé et engagé. Bon courage !

Il y avait Johnny Winter dans le rock, Salif Keita dans la musique mandingue, Yellowman dans le reggae dancehall. Une shortlist d’artistes albinos à laquelle il faut ajouter, dans le monde du rap français, Amira Kiziamina, 29 ans depuis le 14 février, connu depuis une dizaine d’années sous son nom de guerre, Kalash Criminel.

Derrière ce nom brutal, une sauvagerie microphonique qui fait rage depuis « 10 12 14 Bureau » en 2015, et qui s’amplifie avec ce nouvel album, Bon Courage, où comme à son habitude le Congolais cagoulé ne mâche pas ses mots, entouré d’une pléiade de rap stars dont l’Américain Bobby Shmurda, La Fève, Josman et Freeze Corleone, ce dernier pour un duo qui va secouer le cocotier du rap français, Encore des problèmes. Aucun problème pour parler de tous sujets avec l’homme aux 600 cagoules, que l’on retrouve dans un bureau parisien pour une promo… Sauvage, forcément sauvage.

RFI Musique : Bonjour Crimi. Pourquoi ce titre d’album, Bon courage ?
Kalash Criminel : C’est un de mes gimmicks et l’état du monde m’a inspiré. Ça collait bien. Je n’y vais pas avec le dos de la cuillère, ça a toujours été ma marque de fabrique depuis le début de ma carrière. Et je compte rester comme ça le plus longtemps possible. Mon public s’est élargi par rapport à mes années de rookie, j’ai élargi ma fan base. On m’a fait beaucoup de réflexions, mais je ne changerai pas ma manière de faire.

Selon vous, y a-t-il un âge limite dans le rap ?
Ça dépend des circonstances de la vie : ça n’est pas parce que tu prends de l’âge que tu es forcément plus mature. Moi, j’ai été chef de famille très tôt, car j’ai perdu mon frère ainé, le deuxième est parti en prison et j’étais le troisième, la maturité est venue par rapport à mon vécu. Je ne traine plus à la cité comme avant. J’y suis tous les quatre mois. Donc, forcément, je relate moins ma vie là-bas, ça ne me correspond plus. Mais je reste un artiste. Donc, je peux toujours écrire des trucs qui m’inspirent, qu’un pote m’a raconté. Pour moi, il n’y a pas d’âge. Tu fais ce que tu veux tant que tu l’assumes.

Vous évoquez votre fin de carrière à plusieurs reprises dans l’album, « Bientôt j’me barre comme Mélanie » (Diam’s, ndr), dites-vous…
J’y pense vraiment et je réfléchis à ça, pas par rapport à l’âge, mais à la passion. Le rap est ma passion et quand je le fais, j’ai envie d’être dans les meilleures conditions. Là, j’ai envie de faire autre chose. Je suis intéressé par le foot, je lance ma société d’agents de footballeurs. Tout ce qui est caritatif m’intéresse aussi. Je suis en train de créer une association pour aider les albinos dans le monde, c’est plus ça qui m’intéresse que le rap.

Le morceau Encore des problèmes avec Freeze Corleone est un des sommets de cet album…
Freeze et moi, on a déjà fait des feats. Il est borderline dans sa manière. Moi aussi, j’ai eu des polémiques, avec Cougar Gang par rapport à Macron. Quand Kalash Crimi et Freeze, deux rappeurs qui dénoncent et disent haut et fort ce qu’ils pensent, se rencontrent, c’est sûr que ça fait des problèmes, d’où le titre. C’est un morceau fort et j’ai hâte que les gens l’écoutent.

Il y a des formules qui peuvent sembler choquantes dans la chanson…
C’est lié à mon vécu, je suis né au Congo en période de guerre. Je me considère comme un survivant. Et par rapport à tous les problèmes qu’a eu Freeze, c’était une façon de passer un message de paix. On est contre tout ce qui est antisémitisme, on n’est pas dans ça du tout.

Comment analysez-vous le peu de médiatisation de la situation humanitaire au Congo ?
Ça m’attriste énormément parce que personne n’en parle. Quand il y a eu la guerre en Ukraine, tout le monde a apporté son aide et son soutien. Au Congo, il y a eu douze millions de morts. Je trouve ça injuste, parce qu’aucun mort ne vaut plus qu’un autre. Pour moi, la France et la Belgique sont plus proches du Congo que de l’Ukraine dans le sens où on parle la même langue. Ce sont eux qui nous ont colonisés, donc dire que les Ukrainiens sont plus proches, ça me fait doucement rire.

Pourquoi titrer un morceau Le Flow de Mobutu Sur une prod trap ?
Ça vient de Despo Rutti, un artiste que j’ai énormément écouté, qui dit dans Bolide « T’as le flow à Mobutu sur une prod South ». Comme j’aime beaucoup la trap, j’ai juste remplacé le mot « South ». Ça parle à plus de gens, c’est la mode qui a duré le plus longtemps.

Le Zaïre sous Mobutu… c’était mieux avant ?
Il y a eu des bonnes choses comme des mauvaises. Un politicien, ça n’est jamais tout blanc ou tout noir. Surtout Mobutu, mais je pense qu’il a fait de bonnes choses. À l’époque du Zaïre, mes parents me disaient que c’était un pays respectable et respecté, les gens vivaient bien, étaient intellectuels, allaient à l’école. On appelait Kinshasa « Kin la belle ». Mais il n’a pas accompli ce qu’il devait accomplir en 32 ans de pouvoir, donc c’est mitigé.

Vous écoutez les stars congolaises de la rumba ?
Bien sûr, Pépé Kallé, Simaro Lutumba, King Kester Emeneya, tous ces gens-là, je les ai écoutés à fond, mais plus tard. Avec la vie que je menais étant petit, ce n’était pas une musique qui me parlait. C’est en grandissant que j’ai vraiment apprécié. Petit, j’étais rentre-dedans, il me fallait une musique qui accompagne ça.

D’ailleurs, le rap n’est pas toujours bien vu en Afrique…
Exactement. J’ai arrêté l’école à cause du rap. Quand je fais mon morceau 10 12 14 Bureau, je suis en management à la Sorbonne et le prof met mon clip en cours. Depuis ce jour-là, je ne suis plus retourné à la fac. Ça devenait gênant, tout le monde voulait des photos, ne me parlait que de rap, les gens ne me voyaient plus pareil. Ça me dérangeait énormément, je venais en cours pour apprendre. Quand ma mère m’a vu arrêter l’école du jour au lendemain pour faire du rap, forcément, ça ne lui a pas plu du tout. Ça s’est arrangé avec le temps.

Quelle est votre méthode d’écriture ?
J’écris dans ma tête, je n’ai jamais écrit un texte avec mon stylo ou mon téléphone. J’écoute la prod, j’écris mentalement, je rentre en cabine et je pose. Je suis au studio pour travailler, il n’y a pas 10.000 personnes, juste les gens importants qui doivent être là : Ozhora Miyagi qui a réalisé l’album et l’ingé son, c’est tout.

Vous pensez un jour enlever la cagoule ?
En tant qu’artiste, je ne pense pas, après, on ne sait jamais. Pour moi, Kalash Crimi, c’est avec la cagoule, c’est le personnage qui a été créé. J’ai plus de 600 cagoules, on va bientôt arriver à mille.

Votre morceau le plus personnel ?
Le dernier de l’album, Cœur blanc comme Jul, où je parle de mon fils, de ma famille. Je voulais un morceau qui parle plus de moi, de mes émotions, de mon parcours, de ma réussite, de mes échecs aussi. C’est facile à écrire, ça parle de faits réels. C’est du vécu. Et c’est fort.

Vous n’êtes pas retourné au Congo depuis 2010 ?
Je n’en ai pas eu l’occasion. En 2011, j’ai eu mon bac, il y a eu les études… J’ai pris de la notoriété, énormément au Congo d’ailleurs, donc je ne peux plus revenir pour revenir. Pour un concert, ça serait bien parce que si j’y vais uniquement pour des vacances, ça va être une grande fête avec des attroupements partout.

Avec quel artiste africain souhaiteriez-vous faire un feat ?
Salif Keita. Je l’ai rencontré, on a échangé sur l’albinisme, c’est un artiste respectable et engagé. Il y en a d’autres dont j’aime la musique, comme Burna Boy, mais surtout Salif.

Selon vous, quel sera le plus gros problème pour l’album ?
Je ne sais pas s’il y aura des problèmes ! (Rires)

Kalash Criminel Bon Courage (Sale Sonorité Records) 2024.

Tournée Kalash Criminel dès avril 2024 (6 avril à Nîmes, 20 avril à Marseille, 4 mai à Paris).

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Par : Olivier Cachin
RFI Musique

A propos Aboubacar

Journaliste et animateur radio. Directeur de Publication de ©Afroguinée Magazine, premier portail culturel et événementiel de Guinée-Conakry.

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