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Musique : IAM, disque d’histoire ( Interview )

Interview – Trente-cinq ans après leur premier album, IAM de retour pour célébrer le cinquantenaire du hip hop. Entretien avec des légendes du rap français à l’occasion de la sortie de l’opus HHHistory.

Douzième album studio d’IAM depuis Concept, cette K7 mythique qui lança le groupe au crépuscule des années 80, ouvrant la voie à une nouvelle scène rapologique venue du Sud, HHHistory est une déclaration d’amour. Aucune balade pourtant dans ce disque solide, mais un respect des traditions du hip hop, cette culture qui fête son premier demi-siècle, mais n’intéresse guère la majorité des nouveaux rappeurs, plus intéressés par les certifications que leur obtiennent des morceaux de plus en plus chantés et de moins en moins rappés. Akhenaton et Shurik’n, les deux voix d’IAM, nous livrent leurs impressions sur un monde qui change, et comment ils s’y adaptent sans jamais renier leurs fondamentaux.

RFI Musique : IAM a été un des rares groupes à célébrer comme il se doit les 50 ans du hip hop…
Akhenaton : Beaucoup de groupes de notre génération le font, sur les réseaux ou avec un freestyle. Malheureusement, les gens de la culture hip hop ne sont plus majoritaires dans le rap. On pense souvent que le rap est attenant à la culture hip hop alors que ça n’est pas réellement vrai aujourd’hui. Nous, on a choisi de le célébrer avec des vinyles (Un par mois durant tout 2023, ndr). Je suis triste, mais pas étonné, de voir que les institutions ne le célèbrent pas, alors que c’est la culture majeure du pays. Il y a toujours un mépris social.

Quelle différence entre l’enregistrement de Concept en 1989 et de HHHistory en 2023 ?
Akhenaton : La technologie et les moyens. C’est assez proche dans la technique. On est dans le confort d’un studio, mais qui est toujours un studio personnel. À l’époque, on était dans l’inconfort d’une cuisine et du salon de Jah Light (alias Papet J, cofondateur du Massilia Sound System, ndr). Le studio, c’est l’expérience de vie ensemble.
Shurik’n : Aujourd’hui, tu ouvres ton ordinateur et tu as ton studio dans le salon, c’est devenu banal. Pour nous, un album, ça a toujours été non seulement ce qui se passe pendant l’enregistrement, mais aussi avant et après. On peut nous qualifier de groupe qui fonctionne un peu à l’ancienne.

Sur votre album, on n’entend guère de sons auto-tunés, contrairement à une grosse partie du rap d’aujourd’hui, y compris celui qui vient de Marseille…
Shurik’n : On connaissait Roger Troutman et T-Pain, ça restait un style. C’est utilisé maintenant dans des morceaux plus mélodiques que, nous, on ne qualifie pas de rap. C’est plutôt du chant. Il y a ceux qui s’en servent pour masquer une incompétence et ceux qui s’en servent pour du style.
Akhenaton : Je peux l’utiliser sur un morceau de l’album parce que ça induit cet effet-là, mais un album entier sous Auto-tune, pour moi qui aime le rap, ça n’est pas compatible. Je ne le vois pas comme un instrument du rap, mais comme un outil qui permet à des gens qui ne chantent pas de pouvoir chanter. Ça me fait penser au raï : j’ai passé mon adolescence au centre-ville de Marseille et en remontant la rue d’Aix, il y avait tous les disquaires de raï et j’entendais ces voix… Ce n’est pas dans ma culture du hip hop, et que les autres le fassent, je n’en ai rien à foutre. Nous, avec IAM, on a abandonné l’idée de porter un étendard ou d’imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Seul le temps délivre son verdict.

À ses débuts, IAM avait des morceaux comiques ou légers, maintenant quasiment plus. Êtes-vous devenu un groupe pessimiste ?
Shurik’n : C’est la vie qui l’est, on ne fait que constater.
Akhenaton : Le rap d’IAM a toujours été un reflet de la vie du groupe. Au début, c’est une vie de jeunes adultes qui n’ont pas plus de problèmes dans leur vie que de faire leur musique, et quand tu as la charge d’une famille, tu réalises des choses sur le monde qui nous entoure. La souffrance infligée par le Covid à mes enfants me rend extrêmement offensif envers ce qui s’est passé. Mais si tu viens en backstage, IAM, ce sont toujours les mêmes conneries qu’avant, sauf que ça transpire moins dans nos textes. Ou alors sur d’autres projets, par exemple Gamani (producteur vénal et fictif du morceau d’AKH J’ai pas de face, ndr) est revenu pour un morceau qui s’appelle Vax Merda, le premier vaccin mondial contre la merde.

Le rap français n’a guère consacré de morceaux sur la situation à Gaza…
Akhenaton : On en a eu un très clair, J’aurais pu croire (inclus sur l’album Ombre est lumière en 1993, ndr), qui parle de la situation géopolitique d’Israël…
Shurik’n : … Que nous n’avons pas découvert récemment. Cette situation, on en causait dix albums en arrière.
Akhenaton : Et surtout, on a fait des morceaux avec des groupes palestiniens, Gaza Team, Storm Trapazi qui est de Ramallah. On a toujours eu ces implications. On le fait aussi dans nos prises de position sur les réseaux sociaux. L’album a été mixé en juillet dernier, le conflit violent n’avait pas démarré. J’attends le jour d’avoir une interview de fond, rembobiner à 1500 avant Jésus-Christ et expliquer jusqu’à maintenant. Et malgré ça, chacun comprendra ce qu’il a envie de comprendre. On m’a ramené dans des sauces où je n’ai rien à voir. Les gens voient des choses et ce qu’ils voient, on leur dit qu’ils ne le voient pas. C’est ce que je raconte dans Fakerie : « Les menteurs sont décorés, leurs yeux sur ton fric pour sauver les forêts, ils veulent te vendre le jus d’un rêve qu’ils ont essoré ».

Sur votre nouvel album, vous renouez avec le sampling…
Akhenaton : On a trouvé des solutions sur cet album. Tracklib, c’est une plateforme de samples libres de droits avec des artistes qui ont compris que le sampling fait partie de la composition. Les plateformes de streaming nous imposent ce que les centrales d’achat imposent aux agriculteurs. C’est le système : tu prends un modèle et tu le répliques. Selon les plateformes, on touche des centièmes de centimes sur des morceaux. Et on ne va pas aller déverser du lait ou du fumier devant les préfectures. La culture, si tu dis que tu arrêtes, en face, c’est « Bon très bien, on va trouver dix petits nouveaux qui font ça à ta place ou on va utiliser le back catalogue, ça ira très bien ». On n’a pas énormément de moyens de pression. Quand ils sont syndiqués, comme l’Orchestre Symphonique de Montréal avec qui on a fait une série de concerts récemment, les droits des musiciens sont défendus. Sinon, c’est haro sur les droits, démerdez-vous. Pas de règles.

Imhotep est absent de HHHistory, il est en préretraite ?
Akhenaton : Tu as vu juste. Il a commencé par ne plus faire les tournées, si Dieu veut qu’on fasse un autre album, il sera plus présent, c’est aléatoire. Tonton fait partie du groupe, et c’est à la carte. Tu vas rigoler, mais j’ai reçu des instrus de Tonton après qu’on a eu fini l’album !

Votre vision du rap à Marseille ?
Akhenaton : Je vais faire une réponse valable pour tout le groupe, et ça n’est pas du snobisme : on écoute du rap américain. Les rencontres se font à l’occasion d’un morceau, par amis interposés. À Marseille comme ailleurs, il y a une énorme vitalité, des groupes qui nous parlent moins, d’autres de qualité. Sur le dernier album, on a fait des feats avec Relo et Allen Akino, qui représentent des groupes marseillais d’une nouvelle génération, et parallèlement à ça, on est intervenus sur leurs albums. On s’est battu dès le début pour ne pas être perçu comme un groupe régionaliste. C’est pour ça que quand j’entends « IAM, le groupe de rap marseillais », ça m’énerve tout de suite. Ou on dit groupe de rap français, ou on donne l’indépendance à Marseille. Si Marseillais, c’est ma nationalité, pas de problème.

IAM a participé à 13 Organisé, le projet de Jul. Y aura-t-il un match retour ?
Akhenaton : Ce sont des choses qui peuvent arriver, il ne faut jamais dire jamais. J’ai fait un morceau avec SCH, mais sur Chroniques De Mars 3, donc en terrain neutre. C’est en fonction des situations qui se présentent.

Le futur du rap français, que nous réserve-t-il ?
Akhenaton : Du son, des rimes, des couplets de plus de seize mesures, des rythmes de hip hop en ce qui nous concerne, pas des rythmes de zouk. Que les autres le fassent, je n’en ai rien à foutre.

IAM HHHistory (Côté Obscur, 2024)
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IAM en concert parisien le 27 février au Bataclan, le 28 à La Cigale et le 3 mars à l’Olympia, et en tournée française.

Par : Olivier Cachin
RFI Musique

A propos Aboubacar

Journaliste et animateur radio. Directeur de Publication de ©Afroguinée Magazine, premier portail culturel et événementiel de Guinée-Conakry.

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